J’ai fait exprès de me faire prendre, déclare Shôta, comme la conclusion d’une affaire, un deal… Et finalement, est-ce que ce n’est pas un peu ce qu’on est venu chercher, nous, en tant que spectateur ? Se faire prendre au jeu. Accepter d’y croire. Se laisser bercer, se faire adopter, et puis se séparer…
Hirokazu Kore-eda réussit en deux heures de projection à faire de nous un enfant. On passe alors de l’enfance à l’âge adulte, s’identifiant à tour de rôle à chacun de ces six personnages.
Mais quelle est l’affaire en question ? Quel est le deal ici ? D’abord, on se laisse adopter par cette famille : bancale, décousue, imparfaite mais chaleureuse. On entre alors dans un récit initiatique sur le vivre ensemble, la cohésion, la famille de cœur, celle qu’on se choisit… Et puis, comme il faut grandir, prendre son autonomie, le réalisateur nous donne à voir autre chose : une société qui s’individualise, et dans laquelle, après avoir échangé un peu d’amour, chacun retourne à sa solitude.
Les plans presque en face-caméra du dernier quart d’heure confirment ce discours, et pourtant, le réalisateur semble apporter un élément de résolution en nous donnant à voir la complicité et la force de cette famille arrangée, en dehors de tout modèle prédéfini…
Hirokazu Kore-eda porte alors un regard sur ce qui maintient notre société actuelle. Est-ce l’argent, l’amour, les liens du sang, les liens du cœur ? Kore-eda pose finalement la question suivante : qu’est ce qui nous unie, nous rassemble ?
C’est dans un murmure, presque de l’ordre de la pensée, que Shôta prononce papa, comme un secret pour lui-même ; de même, le Merci pour tout, chuchoté par la grand-mère, sans vraiment oser le partager.
Le film ne tombe jamais dans le ballotage émotionnel, et en même temps on le quitte avec la même solitude que les membres de cette famille temporaire, recomposée-décomposée.
Zoé Jean-Toussaint. Vu au cinéma Les 400 Coups, Angers. Décembre 2018.