Paysages sublimes et dépaysement assuré pour ce film qui oublie le romanesque au profit du doc.

On aurait peut-être davantage apprécié « Une année polaire » s’il n’était pas sorti à peine deux ans après « Le voyage au Groenland » de Sébastien Betbeder. Ce dernier développait exactement le même sujet, sauf qu’en lieu et place d’un instituteur venu apprendre le danois à des enfants dans un village reculé du fin fond de la dépendance danoise, on y voyait deux amis venir retrouver le père de l’un deux. Le déroulement est identique, du choc des cultures à la douce acclimatation des protagonistes aux us et coutumes des lieux en passant par l’aspect documentaire et instructif. La différence majeure ici est peut-être qu’on laisse moins de place à l’humour décalé pour davantage de réalisme social et un aspect humaniste plus prégnant.


Cependant, « Une année polaire » subit la redondance de son collègue de bobines et y perd le côté découverte de la production tournée aux antipodes. Mais, au petit jeu de la comparaison, les deux long-métrages se valent et souffrent des mêmes petits défauts. Si, dans la première partie, on est pleinement conquis par un contexte très rarement montré sur grand écran (plus dans les reportages télévisés ou documentaires animaliers ou écologiques), la seconde moitié subit un aspect répétitif et un côté documentaire qui prend trop le dessus sur la fiction et le romanesque. Ici, c’est peut-être moins préjudiciable mais surtout plus voulu puisque le réalisateur Samuel Collardey s’en est allé filmé un véritable instituteur danois parti changer de vie et enseigner dans ce minuscule village Inuit. On aurait finalement aimé que le scénario se jette complètement dans la fiction au lieu de se compromettre dans un matériau hybride pas toujours heureux. D’autant que le talon d’Achille du film est le personnage principal, Anders, au charisme inexistant, pas toujours bon acteur et surtout plutôt antipathique. Et quand on du mal à s’attacher à celui qui conduit le film…


Il n’empêche, « Une année polaire » reste agréable à regarder par la puissance de ces images. Les paysages groënlandais sont filmés de la plus belle des façons, la magie de ce blanc infini finissant par passer à travers l’écran. Le dépaysement est assuré durant une heure et demie. Et les petites scènes de la vie de tous les jours de ces habitants du bout du monde sont parfaitement rendues, que ce soit sur le versant social ou pragmatique. C’est instructif, parfois drôle, souvent étonnant mais toujours pertinent. Dommage que sur la dernière demi-heure, le film se grippe un peu et radote et que le cheminement intérieur du protagoniste principal soit si attendu, passant de la curiosité à l’incompréhension puis de l’agacement à la persévérance pour enfin devenir empathique. « Une année polaire » reste néanmoins un film hautement recommandable, différent de ce que l’on peut voir actuellement, mais qui pêche par son positionnement bicéphale.


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JorikVesperhaven
6

Créée

le 9 juin 2018

Critique lue 448 fois

3 j'aime

Rémy Fiers

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