Une vie professionnelle accomplie d'universitaire en philosophie, une vie personnelle au premier abord tout aussi aboutie, un couple sans dispute, entouré d'amis... Puis l'envie pour le personnage principal, Marion (interprété par Gena Rowlands), d'écrire un livre et la nécessité de s'isoler en louant un appartement pour y écrire la journée. Le silence recherché n'est pas au rendez-vous, puisqu'un psychanalyste officie au même palier, et qu'une bouche d'aération dans l'appartement laisse échapper toutes les confessions de ses clients, leurs désirs refoulés, leur vie brisée.
Dans ces conditions, comment continuer à se laisser emporter par le flot tranquille et constant de la routine ? C'est le point de départ de la psychanalyse intime de Marion.
Les souvenirs de sentiments abandonnés, de renoncements, de choix de raison refont surface, tandis que certains de ses proches, présents ou perdus de vue, contribuent à lui faire découvrir une Autre femme, une facette d'elle-même qu'elle ignorait, froide et distante. Elle n'épargne pas non plus son couple, dont elle constate les sentiments fanés de part et d'autre, et la perte de leur îlot d'intimité.
Au fil du film, Marion rejoue la pièce de théâtre de sa vie, composée de chaque personnage ayant jalonné son parcours, et prend conscience de ce qu'elle est devenue. Elle, le professeur de philosophie, renonce à l'illusion de l'homme doté de libre arbitre de Descartes pour se tourner vers Spinoza : subissant le déterminisme de la vie, elle en a néanmoins enfin pris conscience, ce qui est le premier des pas vers la liberté.
En 1h20, Woody Allen réalise le tour de force de dresser le portrait d'une femme à la recherche d'elle-même. Tant le scénario que la mise en scène évoquent Bergman (le chef opérateur de ce film est d'ailleurs le même que Bergman) sans tomber dans l'imitation pathétique puisque la personnalité de Woody Allen est bien présente. La bande-son est sublime, faisant se côtoyer Satie et Bach. Un des plus beaux films de Woody Allen.