J'ai revu avec grand plaisir ce western de Jack Arnold dont je n'avais que des souvenirs flous. Même s'il n'a pas le punch de Boetticher, Arnold a réalisé de bons westerns pour Universal, il est cependant plus connu pour ses films fantastiques pour cette même firme (le Météore de la nuit, Tarantula, l'Etrange créature du lac noir et surtout le chef-d'oeuvre L'Homme qui rétrécit).
J'ai vu des critiques négatives sur quelques sites de cinéma et même ici sur SC, le film est souvent éreinté ou ironisé à cause d'Audie Murphy, je trouve ça injuste ou alors c'est que leurs auteurs n'ont rien compris, car il s'agit d'une série B d'une qualité supérieure ; pour moi, c'est le meilleur western d'Arnold, le sujet bénéficie d'un très bon scénario dont il n'a peut-être pas exploité entièrement toutes les possibilités, mais il a sacrifié l'action et le rythme au profit d'une psychologie citadine fondée sur la peur et la paranoïa où s'invite un manichéisme énigmatique, et dont le suspense de l'intrigue tient jusqu'au bout, il réside dans une seule question : Pour qui John Gant est-il venu à Lordsburg ? En effet, pourquoi est-il là ? qui est sa cible ? On voit alors resurgir les instincts primaires des citoyens qui n'ont pas l'esprit tranquille car chacun comprend que son parcours a été assez trouble pour donner à Gant une raison de l'abattre. Comme je le disais, le suspense tient la route jusqu'à la fin, car on ne saura alors qu'à ce moment pour qui Gant est venu.
John Gant, c'est un tueur à gages qui débarque à Lordsburg, patelin tranquille en apparence, et qui traine derrière lui une réputation de tueur implacable. Il est incarné par Audie Murphy. Alors certes, Murphy ne fut pas un grand acteur, il ne jouait pas dans la même cour que des gens comme Kirk Douglas ou Burt Lancaster en matière de western, mais son jeu n'était pas non plus pitoyable ; sa carrière comprend 99% de westerns, presque essentiellement des séries B, mais plusieurs valent le détour et sont largement au-dessus du lot, Une balle signée X en fait partie.
Je trouve justement que ceux qui se moquent de Murphy dans ce film devraient y regarder à 2 fois, pour moi il est parfait dans son rôle de tueur à gages, il est froid, mécanique, cynique et sans aucun état d'âme, il parle peu mais juste, parfois je trouve qu'il aurait pu justifier telle ou telle situation par une réplique, mais le dialoguiste le rend volontairement laconique ou muet. Le réalisateur casse les codes du tueur à gages dans le western, dur, menaçant, patibulaire, et le remplace par le physique juvénile à la gueule d'ange de Murphy, c'est une très bonne idée qui jette le doute dans l'esprit des citoyens s'attendant à voir débouler un type à la sale gueule ; ça aurait été un Lee Marvin ou un John Ireland, ça aurait tout de suite été trop prévisible, donc c'est habile. Arnold parvient à le rendre redoutable par ses méthodes insolites, sa réputation, et la panique mêlée de peur qu'il génère, ce n'est pas la figure habituelle du méchant. Ceci crée une ambiguïté déroutante et ça amplifie le doute sur la venue de Gant ; en 77 minutes, Arnold rend cette paranoïa débordante, l'ambiance est tendue et la tension palpable, sans temps mort, il décrit avec acuité les réactions d'une petite ville devant l'arrivée du tueur.
Autour de Murphy, un bon casting de seconds couteaux incarnent des citoyens apeurés (Whit Bissell, R.G. Armstrong, Warren Stevens, Willis Bouchey, Simon Scott, Karl Swenson, Charles Drake...) ; dommage que le dénouement qui survient avec une originalité (je vous laisse découvrir comment) soit un peu trop rapide, mais au final, c'est une série B assez atypique dans le western, et qui mérite la découverte. Un western passionnant.