Il y avait de quoi se montrer circonspect devant la communication d' Une Belle Course.
Car si Christian Carion est derrière la caméra, la bande annonce du film ne laissait guère reconnaître la patte ou encore les centres d'intérêt du metteur en scène, tandis que tout cela vendait un énième projet pépère et confortable dont le cinéma français paresseux a parfois le secret.
Et puis, cela ressemblait beaucoup à ce qu'avait pu faire Jean-Paul Rouve d'une thématique similaire avec Les Souvenirs, film qui n'est cependant pas resté dans la mémoire du masqué, sans mauvais jeu de mots.
Sauf que la course en taxi à travers Paris et sa dense circulation n'a pas préparé le public au virage à cent-quatre-vingt degrés emprunté par le film.
Car l'on passe du souvenir du premier amour chromo un poil tarte à la crème au drame conjugal qui prend par surprise, culminant dans une scène que n'aurait pas renié Mon Garçon. Soit une noirceur à mille lieues de la nostalgie qui avait pu être décrite dans une bande annonce passe-partout.
Au contraire, à travers le drame, ce sont les souvenirs enjolivés d'une époque qui explosent. Et c'est surtout une colère doublée d'une vision d'arrière-garde qui dialoguent avec les préoccupations et les luttes de notre présent.
Des images d'autant plus obscènes et choquantes qu'elles s'insèrent dans un récit qui se veut doux et chaleureux, nimbé d'une lumière presque aveuglante, portées par le charme et l'ingénuité d'une Alice Isaaz rayonnante.
Des images qui jettent un voile d'une tristesse infinie sur une vie amputée, volée, mais sur laquelle Line Renaud se retourne pourtant sans amertume ni colère. Une vie remplie qui s'entrechoque avec celle de son chauffeur bougon qui semble tourner en rond, sans aspérité particulière. Un duo qui n'est pas sans rappeler celui qui animait le premier film de Christian Carion, le très joli Une Hirondelle a Fait le Printemps.
Cette noirceur inattendue dans le mélo fait basculer Une Belle Course, toutes proportions gardées, bien sûr, du côté de La 25ème Heure et de son long voyage vers la nuit, les portes de l'ehpad venant remplacer celles du pénitencier.
Et même si cela apparaîtra sans doute archi convenu aux yeux de ceux à qui on ne la fait pas, Une Belle Course se montre d'une humanité bienvenue venant rappeler que, malgré tout, c'est beau la vie quand on y pense.
Behind_the_Mask, au bout de sa route