Je vous pose le contexte du film, nous sommes en 1961, à Londres. Prenez Jenny (Carey Mulligan) une jeune lycéenne brillante de 16 ans, destinée à intégrer la prestigieuse université d'Oxford. Ajoutez-y David (Peter Sarsgaard), un homme charmant de 30 ans et quelques, qui séduit la jeune fille (et vous par la même occasion) avec son éloquence, son intelligence, sa nature douce et généreuse.


Vous pouvez tous deviner ce qui va s'ensuivre et d’une certaine manière, c’est ce qui déçoit le plus dans ce film de la réalisatrice danoise Lone Scherfig. Une éducation c'est en quelque sorte Raison et Sentiments transposé dans les années 60. Jenny va devoir faire un choix dans son existence, entre Oxford (la raison) et David (les sentiments). Oxford c'est les années 50 et l'assurance d'une brillante carrière, tandis que David c'est la découverte de la vie, l'amour, Paris et la folle exubérance des années 60.


Une grande part de l’attrait du film réside dans la période étudiée ici, celle au tout début des années 60, alors que l’Angleterre sort enfin des énormes dettes et du marasme de la Seconde Guerre mondiale. Les années 60 sont prêtes à s'envoler avec les Beatles (ils sont déjà ensemble, mais pas encore bien connus), la révolution sexuelle, le renouveau de la pop culture et de la mode. Les années 50 c'est le monde des gens conservateurs, celui de Jenny et de sa famille, un monde lugubre et en même temps confortable, à la fois grisâtre et orné de petites décorations colorées.


David quant lui, fait entrer Jenny dans le monde de demain (les années 60), dans la modernité avec ses clubs jazzy et ses voyages à Paris. Il est difficile de ne pas se dire, que sa version de la vie à David est bien plus séduisante, que la sienne à Jenny. On entrevoit la folle exubérance des Sixties, ce n'est pas encore là, mais on la sent venir pointer le bout de son nez. A l'opposé, Oxford appartient au passé, c'est le monde d'avant (les années 50), de la vieille école.


L’idée développée ici par Lone Scherfig est simple, mais elle se déploie avec une telle délicatesse et un jeu d’acteur tellement juste, qu'on est tout de suite captivé. Peter Sarsgaard est totalement convaincant dans le rôle de David "le séducteur", même si nous savons assez tôt qu'il n'est pas tout à fait l'homme qu'il prétend être. Au fur et à mesure qu'on avance dans le récit, son personnage évolue et certains indices sont donnés au spectateur sur les réelles intentions du bonhomme. Et puis arrive la scène finale du film censée être un twist bouleversant, mais qui au final ne fait que confirmer ce qu'on avait déjà deviné depuis bien longtemps ... la déception est d'autant plus grande.


L’héroïne du film Jenny est jouée avec grande délicatesse par Carey Mulligan et elle est vraiment surprenante pour son premier grand rôle au cinéma. Elle est autant crédible en jeune fille de 16 ans, alors qu'en réalité elle avait 22 ans au moment du tournage, que dans le rôle de la femme libre (sans culpabilité) et mondaine. Par moment j'ai vraiment eu l'impression de voir Audrey Hepburn sous les trait de Carey Mulligan et ce n'est pas un mince compliment.


Un petit mot enfin sur les seconds rôles, tous vraiment excellents. Le couple d’amis de David est joué par Dominic Cooper et Rosamund Pike. Tous deux sont très à l'aise dans leurs rôles respectifs, lui en homme d'affaire mondain et elle en blonde piquante et écervelée (et terriblement attirante). Quant à Alfred Molina, il joue le rôle du père de Jenny, un père qui prône une éducation rigoureuse. C'est un homme radin et apparemment triste (mais seulement en surface). C'est aussi un père tendre, aimant sincèrement sa fille, mais incapable de lui dire. Nous avons là le meilleur d'Alfred Molina, à la fois coléreux, sensible et surtout très drôle. Et puis nous avons le bonheur de voir Emma Thompson (la proviseur du Lycée) et Olivia Williams (la professeur en littérature de Jenny), deux actrices que j'adore, mais qui ici ont bien trop peu de choses à jouer pour réellement exister.


Une éducation est, à bien des niveaux (mise en scène, direction artistique et performances d'acteurs), un film réjouissant. Malheureusement, il n'arrive pas à maintenir un aspect crédible et naturel à son ensemble, quelques-unes des scènes semblant forcées et l’intrigue manquant de complexité. Ce n'est pas que la complexité soit toujours nécessaire, mais il faut quelque chose en plus pour donner à réfléchir et surprendre le spectateur.


Mais le plus embêtant dans tout ça, c'est Jenny qui semble être beaucoup trop précoce pour son âge. Ses discours face à son professeur (et à David) sonnent comme de la littérature et pas comme une vraie jeune fille de 16 ans. Certains dialogues sonnent faux, alors que pourtant le film dépend beaucoup de ça, c'est à dire de sa crédibilité. C'est ce défaut de véracité, ainsi que la tournure trop prévisible du scénario, qui font que le contrat n'est pas totalement rempli pour moi. Du coup, je ressors du film avec une légère impression de "quoique ... mouais".

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le 28 mai 2022

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lessthantod

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