A l'écouter dans l’interview qui accompagne le DVD du film, on comprend que Pierre Granier-Deferre n’était pas emballé par le côté très politique du scénario de Jorge Semprun et encore moins par le choix de Victor Lanoux pour interpréter le révolutionnaire qui fait battre le cœur de Romy Schneider. Celui qui se considérait lui-même comme «un cinéaste de chambre», intéressé avant tout par «la folie ordinaire des hommes, celle que chacun porte en soi et qui affleure au moindre événement», n’était sans doute pas l’homme de la situation pour tourner un film plutôt destiné à Costa Gavras ou Yves Boisset. Le résultat pourtant est loin d’être raté: malgré une construction inutilement compliquée, à coups de flashbacks et de sauts en avant, et des dialogues très littéraires, le réalisateur réussit plutôt bien à décrire une période qui préfigure les années les plus noires du XXe siècle, à travers une histoire d’amour impossible, révélatrice des soubresauts idéologiques de l’époque. Granier Defferre regrettait le manque de charisme de Victor Lanoux: sans doute, mais il est parfaitement crédible en syndicaliste prêt à donner sa vie pour sa cause. Romy Schneider est pareille à elle-même, fragile, passionnée et d’une renversante beauté.