Grandeur et décadence d'un petit commerce au cinéma

Une Femme dans la Tourmente est un mélo de Mikio Naruse dont la vedette est Raiko interprétée par la très zen Hideko Takamine. Une relation complexe lie Raiko (prononcer Lésa) et Koji interprété par le rockeur Yuzo Kayama. Raiko se sacrifie pour son commerce pendant que Koji boit, joue au mah-jong et au pachinko, et couche. Raiko est la belle sœur de Koji.

J'ai eu un peu de mal à comprendre les liens de parenté qui reliaient les uns et les autres et je pensais jusqu'à la moitié du film que Raiko était l'une des trois sœurs de la famille, celle qui vivait avec sa mère propriétaire de la petite épicerie familiale. Je pensais aussi que Koji, plus jeune que Raiko, était le mari d'une des deux autres sœurs et donc le beau-frère de Raiko.

C'est donc avec un peu de surprise que j'ai entendu Koji faire une déclaration d'amour à Raiko dans la seconde moitié du film d'autant plus que Raiko lui parlait jusque là comme on parle à un gamin irresponsable et que tout les séparait dans leurs comportements. Mais les contraires s'attirent, c'est parait-il une loi de l'expérience amoureuse.

Tout se clarifie avec la séquence du voyage en train qui est la meilleure séquence du film. Koji est séparé de Raiko par d'autres voyageurs et se rapproche d'elle progressivement. Ils finissent le voyage ensemble comme un vrai couple d'amoureux, ce qui ne manque pas d'étonner, Raiko ne s'intéressant jusque là qu'à son commerce.

Les Japonaises de cette époque ayant un comportement incompréhensible pour un Européen, il faut donc admettre qu'une jeune femme sacrifie sa vie pour un magasin dont elle n'est même pas la propriétaire. Il faut aussi admettre comme normal qu'une jeune femme puisse rester fidèle à son mari mort depuis 18 ans.

Raiko s'identifie avec le magasin. Quand le magasin va être vendu, elle perd sa raison de vivre. On pourrait penser qu'elle va refaire sa vie à la campagne. Mais le film est un mélo. A la fin, après le bref intermède amoureux, la monotonie de l'existence reprendra ses droits pour Raiko. Telle est la vie de certaines femmes: quelques heures de bonheur vite effacées par un chagrin immense.