Télésuite en deux segments de 60 minutes chacun sur ITV, Appropriate Adult se base sur l'histoire de Fred West arrêté à Gloucester en 1994. Un téléfilm comme la France et l'Angleterre en produisent à la chaîne, l'intérêt vient donc de ses deux acteurs principaux qui vont s'opposer : Emily Watson et Dominic West qui insufflent une tension et une rugosité étonnante à ces deux heures.
La narration prend le parti d'adopter une focalisation légèrement externe. On suit Janet Leach, une 'appropriate adult', sorte de tutrice, à peine formée, mère de famille qui se retrouve balancée, ballotée et tiraillée entre l'enquête de police de West puis son procès et sa relation plus personnelle, presque intime avec lui. Emily Watson interprète un personnage tout en fragilité(s), sans cesse sur le fil du rasoir, trop pétrie d'humanité avec des éclairs de dégoût et de colère. Elle aura du mal à trouver sa place, comprendre son utilité et gérer ce monstre qui tend à se vouloir rapprocher d'elle mais aussi le retentissement médiatique de l'affaire ; associé à une vie de famille quelque peu chaotique.
A l'instar du public de l'époque la réalité de ce meurtre puis de ces meurtres se déploie et se dévoile dans un sordide imbroglio qui ne peut que faire froid dans le dos. Mais surtout le personnage du tueur, incarné par un Dominic West captivant, reste proprement insaisissable : est-il sincère dans ses regrets et ses confidences ou n'est-il qu'un psychopate manipulateur qui aura attrapé la tutrice dans sa toile ? Mais toujours il reste humain et ambivalent, ni fou à lier, ni monstre pur sang, encore moins génie du mal. L'atrocité de ce meurtrier semblant parfois si normal se révèle en fin de compte dans l'empreinte qu'il laisse sur Janet faisant alors office de moule pour dégrossir le portrait d'un serial killer.
L'introduction vient rappeler que le scénario se base sur les enregistrements et les rapports de l'époque même si l'on devine les libertés prises nécessaires à un tel medium. L'inspecteur en charge de l'enquête a ainsi critiqué le trop grand crédit accordé au personnage d'Emily Watson souillant le travail minutieux des enquêteurs et des témoins ; les familles des victimes ont certes râlé mais tous ceux ayant été confronté à Fred ont trouvé l'interprétation de Dominic extrêmement proche de la réalité.
Ce fond glauque est soutenu par une caméra lente mais réaliste qui s'attarde sur les visages affables des personnages fatigués aux pulls élimés sous une photographie froide, clinique, dans l'Angleterre triste et grise des années 90.
Cette affaire reste encore aujourd'hui mouchetée de zones d'ombres et d'incertitudes qui ne pourront jamais être levées mais pour le personnage d'Emily Watson le mal est fait, elle aura découvert une obscure frange de l'Humanité, tant dans la psyché de West que dans la sienne.
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