Une femme disparaît par Alligator
oct 2011:
Un de mes Hitchcock anglais préférés! Un de mes Hitchcock (tout court) préférés! Pétillant, agatha-christique, redoutablement moderne, il a le goût de champagne.
Après une mise en place des personnages plus proche de la comédie lubitchienne pendant laquelle Hitchcock se moque avec ironie mais également pas mal de tendresse des ridicules contingences de hiérarchie sociale et sexuelle, le film prend une tournure policière qui rappelle de nombreuses obsessions du cinéaste. On peut être un peu décontenancé par une entame guillerette, bon enfant, où il n'y a guère de trace de l'intrigue policière à venir, si ce n'est un furtif plan de strangulation. Les 99% de cette entrée de matière sont dévolus à un humour très pince sans rire, chargé de pas mal de sexualité, ce qui me fait dire qu'on est bien loin d'Hollywood. C'est amusant et étonnant, on se s'attend pas à pareille désinvolture dans un récit hitchcockien, mais elle permet de se familiariser très facilement avec les personnages afin de ne pas trop perdre de temps dès lors que le crime entre en jeu.
Et c'est vrai que que cela fonctionne bien. Quand la vieille dame disparait (Dame May Whitty) tous les éléments imbriqués les uns dans les autres construisent un puzzle compliqué mais parfaitement lisible. La logique de l'histoire pourrait faire perdre le fil au spectateur, mais cette structure sauve la lecture devenue toute simple.
Si l'on ajoute à cette maitrise astucieuse du récit une distribution réussie, pleine de dynamisme et de franche liberté, nous obtenons un film très agréable à suivre. Parlons donc du casting, il fait partie sûrement d'un des plus justes, des plus en phase avec son temps, comme avec l'histoire.
Et commençons par Dame May Whitty qui m'a forcément fait penser à Margaret Rutherford, une autre vieille dame du cinéma anglais, souriante, dynamique, format classiquement britannique de la bonne petite vieille sympathique, la grand mère rêvée.
On comprend facilement que Margaret Lockwood s'inquiète à ce point de sa disparition. La faible crainte que suscite la légèreté que cette dernière affiche avec ses copines criardes en début de film s'estompe très vite heureusement et laisse place à une jeune femme vive, pimpante, très libérée, comme le prouvent les quelques plans de gambettes dénudées, une femme que l'on peut qualifier sans se tromper de moderne. Son ton est toujours plein d'élan et de grâce, juste.
Elle montre beaucoup d'aisance face à la gouaille moqueuse de Michael Redgrave, personnage ironique et aussi libre que la donzelle.
Face à ces deux électrons tournoie une population très diverse et parmi elle, on pointera le duo humoristique que forment Naunton Wayne et Basil Radford, en contraste saisissant par rapport au couple principal. Obnubilés par ce match de cricket à ne pas louper, ils apparaissent d'abord sourds aux véritables enjeux du monde, enfermés dans leur bulle, dans un flegme tout national et finalement drolatique jusqu'à ce que les évènements viennent dramatiquement les contrarier.
L'isolationnisme ilien dont ils font preuve a des limites que la barbarie dictatoriale franchit bêtement, réveillant le héros qui sommeille en tout bon anglais. On est en 1938 et la propagande anti-nazie se met en place dans le cinéma britannique, ici avec bonheur et des trésors de subtilité. A consommer sans modération.