Autant le préciser tout de suite, il faut une certaine disposition d'esprit pour apprécier le dernier film de Sergei Loznitsa.


Pour être plus clair, il faut s'estimer capable d'être réceptif à une durée de film qui n'est pas négligeable (2h23) et à un rythme que certains estimeront exagérément lent. Dans Une femme douce, un bus peut mettre plusieurs minutes pour accéder au premier plan, ou un personnage pour se déplacer d'un point A du plan fixe à un point B du même plan fixe. C'est donc un cinéma qui prend son temps, sans être insultant pour le spectateur, parce que chaque plan est signifiant, en dépit de sa longueur/langueur/lenteur apparente.


Loznitsa est un styliste hors pair. Sa façon de filmer peut donc être souveraine, flottante comme un nuage dans une estampe d'Hokusai, déliée et reptilienne pour suivre les différents personnages dans une fête. Il y a donc un plaisir esthétique évident à voir Une femme douce.


Sur le fond, le film pourra être considéré de multiples façons, et ménager de nombreux niveaux de lecture, politiques ou littéraires.


On croit suivre lors de la première partie la démarche kafkaïenne d'une femme qui cherche à ce que son mari en prison reçoive son colis. Ce voyage un peu vain, et en apparence ennuyeux, se transforme dans la dernière partie en un rêve dans lequel chacun des personnages croisés assiste à une sorte de réunion bizarre. C'est selon moi par son final, qui renverse sa perspective générale, que le film prouve sa valeur.


Cette dernière partie onirique m'a sidéré (à défaut de m'avoir totalement séduit) et me fait considérer le film, admirable sous bien des aspects, chiant sous autant d'autres, comme le plus ambitieux de la compétition du dernier Festival de Cannes.


Je résume : à conseiller aux aventuriers des expériences slaves, délicates et intellectuellement stimulantes. Débrouillez-vous avec ça.


http://www.christoblog.net/2017/08/une-femme-douce.html

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le 18 août 2017

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