Une histoire d’amour avortée et un portrait de femme, où sa liberté relative sera balayée par la mort de son compagnon. Le film de Sebastián Lelio se révèle par une sobriété et une pudeur parfaites, sa caméra se concentrant sur notre héroïne, son visage fermé mais volontaire, ses déambulations et ses fuites au monde qui l’entoure. Marina devra subir la vindicte de la famille et de la société dans son ensemble et luttera en retenue pour faire valoir son droit à l’existence.
Une femme fantastique aura permis à l’actrice transgenre Daniela Vega, chanteuse lyrique et engagée, de passer de consultante pour le scénario à celui de premier rôle.
Un beau film pour un renouveau du cinéma chilien où la liberté d’expression est désormais possible et permet aux auteurs, comme Pablo Larrain (El club et producteur du film), de dresser le portrait d’un pays en mutation, révélant le chemin qu’il reste à parcourir, dans le rapport à l’autre et à la différence. -On peut évidemment faire le lien avec le reste du monde-...
Le calme et le stoïcisme de Marina, au caractère peut-être trop passif, viendra se heurter aux constantes humiliations. Tout au long de la narration c’est le combat contre la violence bien souvent verbale qui motivera la lutte et ne fera qu’asseoir la volonté.
Médecins suspicieux, phrases assassines du commissaire en charge de l’enquête, ou sournoises de l’ex-épouse, condescendance du frère et haine du fils, ne voyant en Marina qu’une chose indéfinissable qui ne peut prétendre à la douleur, ni même au deuil.
Un contemplatif exacerbé, pour un rapport au corps mais peu d'effet ni d'esthétisme particulier, pourtant comme tout chilien qui se respecte, on peut y piocher quelques fulgurances de surréalisme avec ces visions oniriques qui viennent ponctuer le cheminement de Marina à se relever de la perte. Quelques plans hors du temps poétiques, un envol, une lutte contre le vent dans la rue, mais aussi le chant, pour des intermèdes salvateurs à la reconstruction de Marina, qui rappelleront la mise en scène de Pédro Almodovar et son goût pour l’art, les couleurs contrastées, et ses personnages en lutte contre l’adversité, particulièrement combatifs.
Mais le cinéaste manquera parfois de souffle, quelques longueurs et sentiment de redondance nuisent au rythme, peu de rebondissement, et un retournement peu significatif sur le final, des personnages secondaires peu complexes, desservent l’ensemble.
Malgré ces quelques défauts, Sebastián Lelio choisit le portrait humaniste et sensible d’une femme légitime, élégamment servi par la musique de Matthew Herbert, et révèle une belle performance d’actrice.