Le réalisateur chilien Sébastien Lelio nous dresse le portrait d’une femme pas comme les autres avec son beau « Une femme fantastique ». Pas comme les autres puisqu’à l’origine Marina était un homme. A la mort subite de celui qu’elle aimait, elle va devoir lutter pour sa dignité et contre la famille de celui-ci qui refuse de voir leur nom associé à un transgenre et ne lui épargnera aucune inimitié. On pense beaucoup à Pedro Almodovar dans la façon qu’a le metteur en scène de filmer ce personnage à la sexualité différente. Avec amour, délicatesse et pudeur, le cinéaste montre une femme qui plie mais ne rompt pas. On sent l’amour porté au personnage à travers ce mélodrame qui pourrait donc aussi bien avoir été tourné par le célèbre espagnol, à quelques différences près néanmoins.
En effet, Lelio se pare de quelques atours sociaux dans son long-métrage et ne laisse aucune place au rire, à l’inverse d’Almodovar. En revanche, la poésie est présente à travers quelques jolies séquences comme celle dans la boîte de nuit, lieu propice aux rêveries et à toutes les exhubérances au cinéma, ou lors d’un plan allégorique et décalé qui voit Marina littéralement courber l’échine face au vent. Si le sujet pourrait être l’occasion de tutoyer le larmoyant ou sombrer dans un pathos de mauvais aloi, on évite cela. Pas d’apitoiement irraisonné sur le personnage, on le présente comme normal en montrant que c’est le comportement agressif ou méprisant des autres qui est excessif et ne l’est pas. Et c’est là qu’on voit l’amour du cinéaste pour Marina et son interprète, Daniela Vega, forcément impressionnante.
En revanche, une sous-intrigue inutile dans la dernière partie et une difficulté à conclure empêche ce beau drame contemporain d’être plus que cela. N’empêche, les mésaventures vécues par cette guerrière des temps modernes imprègnent aussi bien la pellicule que notre inconscient et on prend les coups et les humiliations en même temps qu’elle. Les faits sont durs mais la force du personnage et sa détermination tout comme la façon dont tout cela est filmé rendent « Une femme fantastique » aussi intéressant que touchant. Parfois à la limite de l’onirisme, on suit ce drame avec empathie, touché par le réalisme des dialogues et des situations et emporté par une certaine poésie latine pas si courante au cinéma. Une belle découverte.