Parmi mes films préférés, celui-là appartient clairement à la catégorie : "sommet du genre". Un film qui appartient à une technique et une tradition bien déterminée, et constitue à mon sens le sommet de ce qu'on peut faire dans cette tradition, en termes de réussite artistique et émotionnelle. En l'occurrence, la tradition en question, dont Cassavettes est une des figures majeure, est une version du cinéma social et psychologique des années 1970, où le jeu d'acteur est absolument au centre et où une grande place est laissée à l'improvisation et la capture de moments d'inspiration privilégiés. Un cinéma à l'opposé du cinéma de contrôle, que j'aime aussi sans fin, chez des auteurs comme (par exemple) Tati, Wes Anderson ou même Hitchcock.
De ce fait, contrairement à la plupart des 10/10, ce film n'est pas parfait. Disons qu'il rattrape son imperfection par sa puissance et son intensité. Il n'est pas parfait parce qu'il ne cherche pas à l'être, il se laisse du temps supplémentaire pour délivrer un moment rare, improvisé, il laisse les plans trainer plus longtemps parce qu'il y avait quelque chose qui se passait à ne pas perdre. Il n'est pas parfait parce qu'il abandonne en partie son contrôle. Mais il est absolument bouleversant, souvent à la limite du soutenable, explorant les erreurs et errances d'un couple dont la femme n'est pas psychiquement tout à fait équilibrée.
Un énorme choc.