Une femme sous influence est un film de John Cassavetes réalisé en 1974. Nous essayerons de comprendre quelle est la principale thématique du film.
Pour commencer, le film s’ouvre sur des ouvriers en plein travail dans des eaux marécageuses. On y retrouve Nick, qui accompagné de ses collègues au bar après avoir travaillés refuse de travailler en plus le soir pour passer la soirée avec sa femme. Le début du film nous indique donc que l’on va évoluer dans la vie d’une classe moyenne avec un mari au fort caractère. S’ensuit la scène où l’on découvre Mabel ( la femme de Nick) et ses enfants. On y voit le départ des enfants chez la grand-mère avec une mère inquiète par peur que les enfants soient incontrôlables. Le début du film commence donc avec des scènes de vie commune que beaucoup de personnes ont vécues.
Par la suite, tandis que Nick a finalement dû travailler le soir, il entreprend une discussion avec son collègue au sujet de sa femme. On y apprend que Mabel n’est pas vraiment “comme les autres” mais elle fait ce que toutes les autres femmes font, “pourquoi serait-elle cinglé ?”. Dans cette scène on y découvre un autre Nick, il n’est plus l’homme sûr de lui et fort du début du film. Nick est inquiet à la réaction de sa femme et quand il décide de l’appeler au télephone, il semble plus fragile qu’il n’y parait. Sa réaction est justifiée par le fait que Mabel est en train de boire beaucoup de bières et de fumer.
Ensuite, la séquence du dîner montre bien le décalage entre Mabel et les autres, effectivement comme annoncé au début du film Mabel est différente et même un peu “cinglés”. Durant le dîner avec les collègues de Nick un climat malaisant s’installe car le comportement de mabel porte à confusion pour certains collègues. S’ensuit une discussion en privé entre Mabel et Nick. Dans cette séquence Mabel sort sa rage et montre qu’elle en a assez qu’on la prenne pour une enfant en lui donnant des ordres. Le titre du film prend donc un sens, Mabel serait-elle sous l’influence de son mari ? Pas totalement, son mari comprend sa femme et quand ils sont seuls tout ce passe plutôt bien. Mais lorsque Mabel est accompagné d’autre personnes, Nick a peur du regard qu’ils peuvent avoir sur sa femme. Mabel comprenant que son mari n’est pas très à l’aise dans certaines situations, elle lui propose d’être ce qu’il veut. Elle commence à jouer des rôles comme des personnages de théâtres. Mabel est une personne hors des cases qui cherche à vivre en étant épanouie avec ses enfants et son mari. Mais les mœurs ne sont pas compatibles avec son fonctionnement.
Cela se confirme par la suite avec la séquence où Mabel joue avec ses enfants et les enfants de M. Jensen. Dans cette séquence, la musique du lac des cygnes retentit et prend tout son sens. Mabel demande à ses enfants de “mourir pour M. Jensen” en parlant bien évidemment de simuler une mort en dansant mais cette scène appuie la thématique du film. Mabel est un cygne blanc, les autres sont des sorciers souhaitant transformer Mabel en cygne noir et Nick est le prince qui aime le cygne blanc mais qui par l’influence des autres préfèrerai aimer un cygne noir. Le strabisme de Nick peut même être interprété de cette façon, D’un œil il voit sa Mabel qu’il aime et de l’autre, il voit Mabel comme les autres la voient. “Mourez pour…” cette phrase poignante justifie le fait que Mabel se sent contrainte par les autres, c’est une femme sous influence.
Le décalage entre le Nick avec sa femme et le Nick avec les autres est bien montré lors d’un dialogue de Mabel après une scène mouvementé, elle dit la chose suivante : “Tu restes là comme si tout ça ne voulait rien dire mais tu sais ! Tu sais qu’il s’agit de nous ! Et tu es avec eux, dehors, alors qu’on devrait être dedans, on y a toujours été ! “
Ce passage montre bien que le monde extérieur influe sur cette famille et condamne Mabel à ne pas être elle-même.
Si on reprend le parallèle avec le lac des cygnes, l’arrivée du docteur est un moment clé de l’histoire, Mabel essaie de se transformer pour satisfaire le docteur et ne pas être emmené à l'hôpital, mais rien à faire, Mabel est de nature un cygne blanc et son côté cygne noir n’est pas assez présent pour satisfaire les autres. Elle est donc emmenée à l’hôpital le temps d’être soignée.
Pendant son absence, un certain vide s’installe, Mabel manque au spectateur mais aussi et surtout à son mari.
Pour son retour, Nick organise une fête où tous pensent qu’elle va revenir soignée, qu’elle n’a plus de folie. Mais à son retour, c’est une Mabel totalement épuisée que l’on retrouve. Son mari comprend et la prend à part lui dit “ Je suis là. Rien de ce que tu fais n’est mal. Rien n’est mal. Je veux que tu sois toi-même. Tu es chez toi. Les autres, on s’en fout ! On les emmerde !” Cette période sans voir sa femme lui a permis de réaliser à quel point sa femme n’a pas à se faire “soigner”. Il comprend qu’il s’est fait comme influencé par les autres. Le film aurait aussi pû s’appeler “Un homme sous influence”.
S’ensuit la scène du dîner avec la famille qui fait écho à la scène du début avec les collègues de Nick. Après le départ de la famille, Nick s'énerve et essaie de faire redescendre Mabel. Après un certain remue-ménage, le calme revient et Mabel couche les enfants, en se couchant sur les différents lits, on comprend que les enfants sont les seuls à comprendre leur mère, on observe une réelle complicité entre les enfants et leurs mères.
Une fois les enfants couchés, Nick va soigner Mabel et elle lui pose la question pour la dernière fois du film “Est-ce que tu m’aimes ?”. Durant le film la question a souvent été posée mais cette fois-ci grâce au cadrage très proche de Nick, on comprend que oui, Nick aime Mabel comme elle est malgré le fait qu’il réponde “ Et si on rangeait le merdier ?”. Cette phrase n’est pas du tout anodine, c’est la dernière phrase du film et elle montre bien qu’ils vont non pas seulement faire le tri et faire de l’ordre dans leur maison mais aussi dans leurs vies. Finis les influences des autres, Nick a compris ce dont avait besoin Mabel et la fin du film marque le début d’une nouvelle histoire pour cette famille.
Pour conclure, Une femme sous influence est un film qui traite les personnes comme Mabel qui hors des cases essaient de survivre malgré la pression et le jugement des autres. John Cassavetes parle ici de sa propre expérience avec Hollywood dont ils essaient de s’éloigner le plus possible.