Quatre ouvriers de chez Simca,accompagnés de la copine sourde-muette de l'un d'entre eux,décident de se lancer dans le grand banditisme après avoir ingurgité un peu trop de films d'action américains.C'est un des premiers Lelouch,fortement influencé par la Nouvelle Vague,plus particulièrement par Godard,et plus particulièrement encore par "A bout de souffle".Un an plus tard,ce sera le triomphe d' "Un homme et une femme",et le basculement du cinéaste vers ce qu'on appelait alors,avec un certain mépris, "la qualité française".Tout le bréviaire de la NV tendance JLG est énoncé ici:décors naturels,son direct,acteurs inconnus,voix off,scénario simplet traité de manière ironique et désinvolte,la fascination pour la sous-culture américaine.Lelouch,à la fois réalisateur,scénariste et producteur via sa société "Les films 13",livre une oeuvre très inaboutie,marquée par un traitement burlesque peu convaincant,des dialogues puérils,un script idiot,des cascades ridicules et une musique tonitruante,type western,d'un Pierre Vassiliu qu'on a connu plus modéré dans ses compositions.Mais ce film est aussi,sous divers aspects,très intéressant.Par son côté documentaire tout d'abord.Lelouch,rejoignant en cela d'autres films NV tels qu' "A bout de souffle","Une femme est une femme" ou le délicieux "Adieu Philippine" de Jacques Rozier,nous livre une description passionnante d'un Paris et d'une banlieue qui n'existent plus.Des rues propres et pas encombrées de piétons ou de voitures,des vieux bistrots à l'ambiance familiale,le travail dans une usine automobile d'une marque aujourd'hui disparue.D'ailleurs,les modèles de bagnoles qui défilent ici ont de quoi susciter la nostalgie:Dauphines,DS,Ami 8,Simca 1000,4CV,4RL.Plus important,le cinéaste brosse un étonnant portrait d'une jeunesse qui,quatre ans avant Mai 68,porte en elle les germes du basculement social qui allait suivre.Car Mai 68 n'est qu'une date,et les mécanismes qui allaient y conduire étaient présents bien en amont.Voici donc de jeunes ouvriers qui,conditionnés par les films de gangsters,rejettent les vieilles valeurs que sont le travail,le respect des règles,l'honnêteté,au profit de l'argent facile et vite gagné au nom d'une pseudo liberté.Eh oui,en 64 le ver était déjà dans le fruit et la déliquescence de la société,qui se poursuit actuellement,était bien enclenchée.Lelouch,pas encore conditionné par ses tics de mise en scène,manie plutôt bien la caméra et offre des angles de prises de vues pertinents et variés,s'appuyant en outre sur un superbe noir et blanc.D'autre part,il introduit ici et là quelques notes d'humour,le kidnapping du chien est savoureux,et d'érotisme inattendu avec les plans insistants sur le joli fessier de Janine Magnan lorsqu'elle dessine sur le trottoir ou le strip-tease forcé de la très pulpeuse Annette Karsenti.Il est à noter que le réalisateur réutilisera dans "L'aventure c'est l'aventure" l'histoire du vrai-faux enlèvement d'une star par une bande de bras cassés que celle d' "Une fille et des fusils" préfigure.Les comédiens du film en font des caisses et parlent faux,mais ils y sont visiblement poussés par l'ami Claude.Ils connaîtront des fortunes diverses lors de leurs carrières.Seul Jean-Pierre Kalfon deviendra une sorte de vedette,alors que Jacques Portet et la belle Janine Magnan disparaîtront rapidement de la circulation.Pierre Barouh aura un beau parcours de musicien et de chanteur,et Lelouch lui fera interpréter la célébrissime chanson d' "Un homme et une femme".Chabadabada,c'est lui,en duo avec Nicole Croisille.Quand à Amidou,il sera un solide second rôle,surtout chez Lelouch qui lui donnera également le rôle principal de "La vie,l'amour,la mort".Pour finir,signalons que la pénible voix off est celle du scénariste,écrivain et animateur de radio Gérard Sire.A propos du générique figurant en en-tête de la fiche SC du film,précisons que la photo de Jacques Portet n'est pas la sienne mais celle de son camarade Amidou.