Si ce n'était notre époque, cette ère du jugement permanent et de la diabolisation outrancière, Une fille facile serait considérée sans ironie comme oeuvre héritière du cinéma de Godard et de la nouvelle vague. Outre le fait d'y découvrir une Zahia Dehar aussi magnétique que la Brigitte Bardot de Le mépris, le film de Rebecca Zlotowski (Grand central, Belle épine, ...) se revendique de ce mouvement du cinéma d'auteur, s'affranchie du qu'en dira-t-on et ouvre une double réflexion pertinente sur la liberté d'être et de penser.
Flashback sur Zahia Dehar. Avant de devenir actrice, cette femme a dû faire face seule en 2009 aux révélations dans les médias de l'affaire Franck Ribery et Zahia. Quand les réseaux sociaux se sont emparés de l'affaire, décidant d'occuper les fonctions de juge et bourreau, il y eu deux poids deux mesures. D'un côté Franck Ribery, riche footballeur vite pardonné, reprenant une vie normale et de l'autre l'escorte girl Zahia, fille désignée arbitrairement sans principes, devenant la cible des médias et du tout internet. Il aura fallut du temps à cette femme pour se relever. Mais au lieu de sombrer, elle semble avoir décider de se servir de ce mépris des philosophes du dimanche et de vivre, comme son personnage, au jour le jour sans jamais prêter attention à ses nombreux détracteurs.
Si cette affaire n'est pas abordée dans le film, son traitement raisonne à chaque instants dans le personnage de Sofia, la fille facile du titre, incarnée par la lumineuse Zahia Dehar. Le film en retire donc cette double réflexion qui ne se préoccupe même plus de ses répercutions. Ce que nous propose Rebecca Zlotowski en devient d'autant plus saisissant autant dans le fond de cette liberté et quête du bonheur que dans la mystification physique de Zahia Dehar/Sofia. Que cela soit en terme de photographie ou de cadrage, l'actrice naissante apparaît comme un tableau vivant à chacune de ses apparitions. De plus, le travail sur les regards est troublant, les intentions qui y sont mises par les comédiens respirent la sincérité, n'insistant parfois pas sur de longs discours pour comprendre leurs pensées.
Zahia Dehar n'est pas une actrice parfaite, loin de là. Certaines de ses intonations ne sont pas toujours très justes par exemple. Mais comme Brigitte Bardot, elle est parfaite dans ses imperfections. Les hésitations de regard, les mouvements de tête, les intonations de voix, ... autant d'éléments qui rajoutent au naturelle d'une femme qui s'exprime, dans le sens figuré, face caméra, qui se met à nue, littéralement, et qui de ce fait s'exprime par la pensée et par le corps. Elle n'est pas la seule à mettre en valeur ce remarquable travail sur le regard, sans doute l'une des choses les plus compliquées dans la direction d'acteur. Mina Farid est une pépite. Son énergie, sa soif de liberté et son naturel la rendent complémentaire à son modèle d'un été. Benoit Magimel, Nuno Lopez, Clothide Courau et Henry-Noël Tabary complètent parfaitement cette galerie gravitant de prêt ou de loin autour de l'electron libre de ce long-métrage.
Rebecca Zlotowski a frappé un coup fort. De la mystification d'une paria aux réflexions sur la liberté et le bonheur, l'oeuvre offre un contenu enrichissant et réflectif jusqu'à sa conclusion. Avec l'un des derniers dialogue qui remet en perspective les choix de Sofia et ceux de son actrice dans la réalité tout en remettant le spectateur face à ses préjugés, Une fille facile se conclut de la plus belle des manières pour demeurer un souvenir longtemps mémorable.