Un été
Je suis sûr qu'on est nombreux à l'avoir ressenti: dès qu'un chouette film prend pour cadre l'été, on a soudain l'impression que les personnages sont à jamais prisonniers de la saison. Que leur été, à eux, durera toujours. Que leurs journées, leurs soirées, sont celles d'une éternité apaisée dont nous, pauvres êtres réels, seront à jamais privés. Peut-être la saison se prête-t-elle à ce genre de langueur méditative, avec ses nuits le plus souvent dédiées aux échanges et aux joyeuses complexités de l'hydratation, ses atmosphères légères sous un ciel un peu plus vaste, et ces instants où le corps semble moins occupé à lutter contre les éléments que de provoquer des situations où il sera soumis à des plaisirs que rapidement l'automne transformera en un souvenir confus et nostalgique.
Une fille
Quand on se lance à 26 ans, comme Roy Anderson le fit en 1970, dans la mise en scène d'une love story toute en simplicité (et bien loin d'une trilogie très stylisée pour laquelle il sera reconnu trente ans plus tard), il vaut mieux miser sur les bons acteurs. C'est ce que le réalisateur réussit avec éclat, en plaçant au centre de son récit une Ann-Sofie Kyln incandescente dont chaque regard tétanise le spectateur. Bien vite, le vieux père de famille peut avoir le salutaire réflexe de s'interroger sur la sanité d'un tel émoi (surtout quand on apprend en cours d'histoire qu'elle n'a même pas 15 ou 16 ans, mais "bientôt 14") avant d'être immédiatement rassuré. Rien de scabreux dans l'affaire, mais au contraire la magie et le trouble des grands élans de sa propre adolescence, lorsque l'amour, pur et maladroit, était tout.
Un film
S'il y a plusieurs sortes de bons films, A swedish love story s'inscrit dans la catégorie de ceux qui sont plus grands que la somme des scènes qui le constituent. Ce qu'on en garde après le générique n'a été dit à aucun moment. Au contraire de tant de films dont chaque scène est signifiante, celui-ci se lit entre ses lignes de dialogues, à travers ses plans "hédoniste et solaire" à la photographie éthérée, et par delà ses illustrations musicales impeccables. Le propos du film n'est pas que le monde adulte est un vaste gâchis grotesque et alcoolisé, dont le malentendu et l'incommunicabilité sont ce qu'on peut en tirer de moins tragique (pour mieux l'opposer à un âge tendre idéalisé) mais bien qu'il faut savoir profiter des brefs instants de grâce qu'offre la vie avant de se voir enseveli sous les compromis et l'amertume de s'apercevoir qu'elle ne nous offrira jamais rien de mieux, peut-être, qu'un bref mais inoubliable été.