Une histoire vraie par Le_blog_de_Yuko
Loin des excès et des préjugés néfastes de ses précédentes oeuvres, Une histoire vraie évoque une sensibilité exacerbée chez Lynch et une oeuvre douce emplie de bons sentiments.
Un long-métrage caractéristique qui prouve une fois encore l'extrême complexité du réalisateur et son souci de n'être jamais classé dans un genre précis.
C'est Mary Sweeney qui s'étant intéressée à l'histoire d'un retraité de 73 ans, Alvin Straight, inapte à conduire et sans ressources financières qui décide de rejoindre son frère aîné avec lequel il est fâché depuis 10 ans pour se réconcilier avant leur mort, qui parle de cette incroyable histoire à Lynch.
Fidèle à l'histoire originale d'Alvin Straight, "A Straight story" puise dans les ressorts dramatiques les éléments de son succès et dévoile, par petites touches progressives, le passé et la teneur des sentiments de son personnage principal.
Basé sur un scénario convenu mais à l'intensité remarquable, le film évoque avec force, le regret, l'attente, l'enfance et la vie... au travers de rencontres fortes et inoubliables.
Autant de sujets forts dans l'oeuvre de Lynch mais ici exprimés avec une toute nouvelle simplicité.
La part de mystère n'est néanmoins pas levée puisque le film, s'il découvre Alvin, ne s'immisce jamais dans les raisons du conflit avec son frère et laisse planer une pudeur bienveillante sur son personnage.
Niché au creux d'un automne finissant, le film se découpe sur de magnifiques paysages qui évoluent avec l'état d'esprit d'Alvin sur des lumières douces et chaudes.
Son voyage, sur une tondeuse à gazon, alterne, entre ciel et terre par une capture des images vacillant entre coupe latérale et vue du ciel d'Alvin sur sa tondeuse. Une sorte de force mystique semble l'accompagner dans son voyage autant réel que personnel.
Icône intime, Alvin se dévoile au travers de ses rencontres. Sorte de prophète itinérant, il répand une parole sacrée pouvant parfois sembler connotée tout comme le film lui-même. Le pardon, le repentir, la famille sont des valeurs très brillamment mises en scène par le réalisateur sans néanmoins porter la caricature du texte biblique.
L'image minuscule d'Alvin sur sa tondeuse dépassée par d'immenses camions et par un cortège bruyant de cyclistes se fond dans une image picturale d'ensemble faisant apparaître l'immensité de la vie et l'importance de ses mystères.
L'utilisation du son demeure très présente dans l'oeuvre linéaire de Lynch. Elle témoigne d'une indiscrétion du spectateur à l'égard des personnages qui surprend des conversations, entend l'émotion, comprend l'enthousiasme puis le découragement...
Le titre, A Straight story, intraduisible en français, joue sur le nom de famille d'Alvin tout en avouant une certaine linéarité de l'oeuvre.
Basé sur la simplicité de l'émotion, le film de Lynch devient un véritable symbole de vie. Celle-ci parsemée d'embûches et d'étonnantes rencontres ne cesse de surprendre un spectateur attendri. Comme pour Elephant man, on se laisse porter par la force des images et la douceur des sons.
Une évolution apparaît néanmoins entre les deux oeuvres. Là où se répand le culte de la personne et de la normalité, Alvin se débat pour ses choix alors que John Merrick semble s'abandonner à la fatalité de ses origines.
Un récit profondément humain qui campe des personnages tendres et forts. Une image de l'Amérique apurée et réaliste. Une histoire vraie, simple et douce.