Tourné en 1963, alors que la Nouvelle Vague japonaise prend son élan, Une jeune fille à la dérive est le second long métrage d'un cinéaste, Kirio Urayama, qui a vécu un peu dans l'ombre de ses contemporains Oshima et Imamura. D'ailleurs Urayama tournera peu de films au cours de sa carrière.
Malgré cela, Une jeune fille à la dérive est une oeuvre d'une grande maîtrise et remplie d'une rare vitalité. Le film raconte l'histoire d'une jeune fille, Wakae, entraînée malgré elle dans une spirale autodestructrice. Alors que sa famille est en déliquescence, Wakae abandonne ses études faute d'argent, doit travailler dans des bars et commence à voler. Elle rencontre alors Sabuko, le cadet d'une famille aisée qui va tenter de l'aider à s'émanciper.
Une jeune fille à la dérive est le portrait bouleversant d'une jeunesse ne trouvant pas ses marques dans le Japon de l'après-guerre et dont les aspirations sont broyées par une société individualiste et brutale. Tourné en noir et blanc dans un style presque néo-réaliste, le film d'Urayama est une chronique d'une grande justesse et noirceur du Japon des années 1960.
Certaines scènes sont d'une très grande force à l'image de l'incendie dans l'élevage de poules, qui n'est pas sans rappeler Burning de Lee Chang-dong, ou encore l'une des dernières scènes dans le café de la gare où le cinéaste arrive à exprimer à la perfection la pression du temps à laquelle sont confrontés les deux protagonistes. Le dénouement amer du film - entre début de rédemption et sacrifice - est très beau également.
Enfin, difficile de ne pas mentionner la qualité des deux interprètes dont l'alchimie du couple est remarquable. La scène de leurs retrouvailles un soir d'hiver sous la neige est superbe. Un film très beau donc, dont l'édition DVD (E.D. Distribution) est impeccable.