"Ma chère Irène ... Ma chérie Reine." L'Irène en question, héroïne du premier long-métrage de Sandrine Kiberlain, est une jeune fille gaie, un rayon de soleil pour sa famille et pour ses condisciples en cours de théâtre. C'est une jeune fille qui va bien ... dans un monde qui va mal, puisque le film se déroule en 1942. D'emblée, la réalisatrice ne montre pas de signes ostentatoires de l'occupation nazie. Pas d'inscriptions en allemand, pas de soldats dans la rue, c'est presque une dystopie que propose Sandrine Kiberlain, ou plutôt l'univers et les préoccupations d'une fille de 19 ans qui rêve d'amour et de beaux rôles à venir, dans la grâce de la jeunesse. Ce n'est pas un film de guerre qui se développe sous nos yeux mais une histoire intime et touchante, avec ses drôles de dialogues et sa musique parfois anachronique. Bien entendu, Kiberlain n'ignore pas quelle période elle illustre mais sa volonté est de transcender la réalité historique, en lui donnant des couleurs d'espérance (rouge) jusqu'à ce que le noir ne vienne tout faire basculer, dans une dernière image terrifiante et inoubliable. Le film est doublement nourri par la mémoire familiale de la néo-réalisatrice et par le souvenir de ses années d'apprentissage de comédienne. Outre ses talents de mise en scène, évidents, sa direction d'acteurs est magnifique, non seulement avec la prometteuse Rebecca Marder mais aussi avec des seconds rôles qu'elle sait faire vivre en quelques traits, que cela soit le père d'Irène (André Marcon), son frère, sa grand-mère ou ses amoureux. Un film sensible qui atteint sa cible, avec une infinie subtilité.