Face à "Une Journée Particulière", on a l’impression d’assister à un important morceau de l’histoire du cinéma. Notamment par ses enjeux sociaux et ses dénonciations historiques virulentes d’un fascisme qui, durant la seconde guerre mondiale, manipulait un peuple entier. Mais aussi par le duel tout en tension autant érotique que pugnace de deux comédiens au sommet (Loren et Mastroiani) aussi touchants que brillants. Mais le tout n’aurait aucune pertinence si une mise en scène plate et livide le servait. Or Ettore Scola parvient, malgré un minimalisme des décors et des personnages, à développer tout son talent de mise en scène. Sa caméra, habile, se faufile (notamment lors d’un superbe plan-séquence d’ouverture) dans ses appartements mouvementés et tortueux et filme avec beaucoup d’intelligence et de sens le récit tragique de ses deux personnages. Les dialogues, autant que les pans en disent long. Entre situations théâtrales burlesques et scènes tragiques l’intrigue joue habilement avec les émotions jusqu’à se perde, à mon sens, un peu. Le rythme un peu lent commence à peser et l’intrigue, notamment avec la relation amoureuse qu’entretiennent les deux personnages, perd de sa justesse et de sa pertinence. Certains choix scénaristiques sont même ratés (pourquoi diable faire coucher ensemble ses deux personnages si l’un d’eux est homosexuel ? Quel est l’intérêt réel ? L’amour de cette mère de famille n’aurait-il pas été plus puissant s’il avait été refusé en bloc ?), et la radio beuglante qui constitue la seule ambiance sonore du film devient vite pesante. C’est dommage tant le film aurait pu se révéler plus tragique encore qu’il ne l’est déjà et tant les enjeux qu’il déploie aurait pu être traités avec plus de brio.