Engagé dans la course aux Oscars et sacré aux Golden Globes, que peut bien valoir cet énième film tentant désespérément d’appliquer l’adage : une histoire extraordinaire donne un film extraordinaire ?
Une question à laquelle le film, autant par ses décors léchés, son ton enjoué et son classicisme de tous les instants, allant de la représentation scintillante et vintage de la société de l’époque à la dissection de la naissance d’une relation amoureuse, tend à répondre, parfois en accentuant volontairement ses traits, quitte à saborder son propos, pour oser donner une vision lénifiante et un brin académique d’un destin aussi extraordinaire que celui de ce savant. Considéré par bon nombres de chercheurs comme l’un des plus grands génies de notre temps, rivalisant ainsi avec Einstein, Stephen Hawking a toujours fasciné tant pour ses travaux ayant éclairci tout un pan de la science moderne (en cosmologie et gravité quantique notamment), que pour son engagement sans faille, résultant d’une maladie dégénérative, ayant eu raison de ses facultés motrices comme de sa parole et ayant transformé ce frêle britannique en un croisement peu glorieux entre l’abominable Zurg de Toy Story et Charlie Epps de la série Numbers.
Une fascination ayant eu pour finalité de voir les projets basés sur sa vie s’amonceler, aussi bien à la télévision (avec Benedict « Sherlock » Cumberbatch) qu’au cinéma, comme c’est ici le cas avec la toute dernière itération qu’il nous est donné de voir, Une Merveilleuse Histoire du Temps. Mis en scène par James Marsh, documentariste britannique, cette dernière incursion en date dans la vie tourmentée de ce génie, laissait de prime abord quelque peu circonspect tant l’éloge qui lui est fait depuis quelque mois outre-Atlantique laissait présager un film aux relents purement académiques (accentué par le talent de documentariste de son faiseur) et se reposant sur le seul postulat qui veut qu’une histoire extraordinaire est toujours propice à donner un résultat qui l’est tout autant.
Et à bien des égards, ce n’est pas l’académisme obséquieux tant redouté qui surprend à la vue de ce semi-biopic mais le romantisme. Car en axant son long-métrage sur la vie de couple que Jane, campé par une Felicity Jones tout en retenue et sobriété, mène avec son mari (campé par un Eddie Redmayne transfiguré) en lieu et place des événements jalonnant la vie de ce savant, le film échappe au sentiment roboratif et daté du biopic, pour ne finalement qu’en subtiliser l’essence à la fois la plus pure, la plus omniprésente et la plus limpide qui soit : l’amour.
Au diable alors, théories quantiques, constats médicaux intempestifs ou autres tensions défaitistes, le film préfère se dresser en parangon de la puissance de l’amour, et narre à travers une délicieuse transcription des 60’s (ton sépia, costumes impeccables dans une Angleterre engoncée dans ses traditions), une histoire extraordinaire, de facture classique et classieuse, peut-être légèrement trop orientée vers un académisme clinquant que vers une vraie prise de position, mais qui séduit par sa beauté, son émotion et son côté touchant. Une émotion, qui couplée à une partition aussi mélancolique que classieuse, atteint son paroxysme, une fois que le tandem d’acteurs portant le film s’exécute et livre l’un des plus beaux couples que le cinéma, vivier intarissable de romances impossibles, compte dans ses rangs.
Par Antoine