Film voulu dérangeant, qui m'a dérangé parfois, agacé souvent, horripilé quelquefois. Typique d'un cinéma français qui se veut de bon aloi, où tout le monde il est bien né, gagne tout plein d'argent, va à l'église, habite de somptueuses baraques, possède des voitures de rêve et vit des histoires pas possibles où sommeille le fait-divers.
David a perdu Laura à qui il emprunte ses vêtements et ses dessous. Claire qui aimait secrètement Laura le désire en tant que Virginia, c'est son avatar féminin, sauf que Virginia a quelque chose dans sa culotte qui ne cadre pas avec le désir de Claire. Claire s'enfuit de la chambre d'hôtel, Virginia se sent trahie, délaissée, elle quitte la chambre en vrac, sa barbe a poussé de trois jours le temps de la brève étreinte, et c'est un clone de Mick Jagger au look bécébégé qui se fait heurter par une Merco à un carrefour parisien.
Du coup, David/Virginia se tape un coma, dont, princesse charmante, Claire l'arrache après l'avoir rhabillé en Virginia et entonné leur chanson, "Femme", de Nicole Croisille, souvenir d'une soirée passée dans une boîte transformiste de province, lors d'une fugue au manoir où Claire passait, enfant, ses vacances avec Laura, la petite camarade de classe pour qui, devenue jeune fille, elle ressentira une attirance ambigüe.
Gilles, le mari de Claire, sémillant cadre sup', par son normativisme de petit bourge bien dans sa peau, dans sa tête bien lisse et dans sa vie, renvoie Claire à la bizarrerie de la relation qu'elle vit avec cet ami de la famille dont nul ne soupçonnait les petits secrets, lequel avouait les partager avec feue sa légitime. Claire est la marraine de leur bébé et a promis à Laura de s'en occuper ainsi que de son papa, tâche dont elle s'acquitte consciencieusement, accompagnant celui-ci, devenu celle-ci, dans des séances de shopping où elle la conseille sur telle robe, tel rouge à ongles. Une bonne copine à qui elle explique aussi comment se faire les yeux avec ses deux mains.
Claire, c'est Anaïs Demoustiers, sublime, aux mimiques tantôt espiègles tantôt troublantes. David/Virginia, c'est Romain Duris, fait pour avoir l'air d'une nana comme Depardieu pour incarner une danseuse-étoile. Gilles, c'est Raphaël Personnaz, taillé pour le rôle décrit plus haut. Laura c'est Isild Le Besco, entraperçue malade au début du film, puis dans sa nudité cadavéreuse au moment où David la revêt de la robe de mariée qu'elle va porter dans son cercueil. Provocation utile ? Signe que quelque chose est mort entre eux le jour de leur mariage ? Laura n'était plus là pour donner son avis. A chacun de se faire son idée.
Les beaux-parents excellent dans la caricature bécébégé catho, Sylvie Degryse dûment botoxée dans le rôle de belle-môman, Jean-Claude Bolle-Reddat, que je ne connaissais pas, dans celui de beau-papa.
Un film qui pète dans la soie dont on fait les précieuses petites culottes. Mais qui à mon sens passe à côté de son sujet, qui n'a jamais été si contemporain. Quid de la nature du jardin secret de David ? "Chacun trouve sa voie pour accomplir son deuil", lui a affirmé la psy qu'il dit consulter, au moment où Claire le fait passer pour gay aux fins de justifier sa petite fugue à ses côtés, auprès de son mari qui donne l'impression de prendre la chose avec flegme. David avait besoin de faire le point, elle est sa confidente, elle a promis de s'occuper de lui, n'est-ce pas ? Gilles acquiesce. D'ailleurs, il se doutait de la supposée homosexualité de David, ayant relevé chez lui une certaine féminité. Normatif en diable, le Gilles.
In fine, Virginia revenue d'entre les morts se pointe rasée de frais, saine et sauve, flanquée du bébé et de Claire. La suite de la fin, à chacun de se la raconter.