Mon cher François, je ne te comprends plus. Qu’est-ce que c’est que cette affreuse sortie de route ? Qu’est-ce qui passe dans ta tête déglinguée qui m’avait valu en quinze ans tant de magnifiques moments de cinéma ? Jusqu’ici, je t’ai toujours défendu, y compris sur Angel, qui n’était pas si mal, même si j’ai toujours renâclé devant Ricky… que je visionnerai tout de même à l'occasion, histoire d’être sûr.
Depuis le début des années 2000, j’avais un large sourire aux lèvres à chaque fois que j’apprenais qu’un nouveau film de toi était en tournage ou allait sortir. Certes, j’avais déjà eu un avertissement avec Le Temps qui reste, qui m’avait passablement tapé sur le système par sa manière de savater l'empathie pour son personnage mourant, tellement con, tellement antipathique. Je suis resté de marbre devant ce blanc-bec bouffi de suffisance… jusqu’à cette scène finale sublime, sans un mot, qui rattrape tout.
Plus récemment, Dans la maison m’a mis en joie, si brillant, si fin et d’une très jolie sobriété, même si j’ai bien compris que le style si percutant et culotté de tes débuts tend à s’éloigner chaque année, comme un rivage qu’on n’aperçoit plus, au très loin, que comme un point à l’horizon. Le Ozon de Sitcom, des Amants criminels, de Gouttes d’eau sur pierres brûlantes me paraît un vestige du passé en ce mois de novembre 2014 où je ressors de ton dernier film la rage au cœur tant ton style s’est embourgeoisé, américanisé, tant ton cinéma s'est amolli et dévitalisé.
Car Une nouvelle amie, c’est à peu près tout ce que je déteste : des dialogues faux, mal récités, avec des formules d’écrit partout, même où les gens comme il faut n’en utilisent plus à l’oral, tous les ingrédients d’un ersatz de cinéma lyrique, une scène d’exposition ultra appuyée où rien ne nous est épargné, de la musique tout larmoyant dehors au cadrage, des filtres aux ralentis montrant à quel point Laura et Claire sont les meilleures amies du monde et qu’une chose terrible s’apprête à mettre fin à tout ça. L’overdose en cinq minutes !
Le kitsch délicieux du générique de 8 femmes fonctionnait parce que c’était du dixième degré. Désormais, tu cherches tellement à nous arracher des sanglots à coups de massue que je souffle dans mon coin en attendant que ça passe. Si tu te reprends une fois ton héroïne enterrée, le développement de cette histoire abracadabrantesque (et hop, un petit coup de nécrophilie au passage), et surtout sa dernière ligne droite virent lentement mais sûrement au grand n’importe nawak (ah, ce réveil du coma à coup de chansonnette !).
Tu vas jusqu’à montrer un gros zizi en plastoc pour figurer l’attribut masculin de Romain Duris (Bonello n’a pas eu tes pudeurs de gazelle avec Gaspard Ulliel…), histoire de faire comprendre à Anaïs Demoustier que même habillé en femme, un homme possède bel et bien un pénis. Ben oui parce que lui, il se travestit mais n’est pas gay, et elle, c’est en apparence l’hétéro bon teint, mais qui dans le fond, sans le savoir, a toujours rêvé du minou de sa meilleure copine trépassée. Qu’elle croit trouver dans le slibard de ce pauvre David déguisé en Virginia. Et puis Claire, tellement bonasse au lit avec son gentil mari, qui devient une sorte de bombe sexuelle dès qu’elle commence à se prendre au jeu du travestissement de David… vite, des sels, je défaille !
Quant à ce grand déballage façon shaker de toutes tes obsessions (hormis le parricide) dans le long dernier quart d’heure, no comment ! Tu sais, pour toi, j'ai tout subi, et le cœur léger, jusqu’à ton mauvais goût souvent assumé, jusqu’aux chansons de 8 femmes, alors que les chansons au cinéma (Emmanazoe confirmera), j’ai horreur de ça ! J’ai souri à toutes les perversités de tes personnages, j’ai gentiment écouté ton discours ultra limite sur la prostitution dans Jeune et jolie, mais là, joker !
En pleine exploration de la théorie du genre, tu m’as fait pousser des cris d’orfraie tant ton film gnangnan et plein de bons sentiments n’apportera pas une goutte d’eau (sur pierre tiède) au moulin des débats actuels. Tu m’as fait détester Romain Duris, tellement ridicule (« Je suis né dans un chou-fleur »), tu m’as fait regretter qu’il redevienne in fine Virginia, et je me suis senti soudain comme un réac à mocassins à glands de la Manif pour tous ! C’est Dolan qui va être content, car grâce à toi, j’ai réévalué Laurence Anyways, que je n’avais pas trouvé très réussi mais qui tient du chef-d’œuvre en comparaison. J’espère que tu n’es pas fier, François...