Il devient un peu lassant, à la longue, de devoir se rappeler à chaque fois - ou presque, "Rush" constituant l'une des très rares exceptions à cette règle - qu'on regarde un film de Ron Howard, combien ce dernier, en dépit de décennies de bons et loyaux services auprès des Studios Hollywoodiens, est un piètre réalisateur. "Une Ode Américaine", production de prestige de la plateforme Netflix n'ayant pas moins de deux grandes actrices à son générique (Glenn Close et Amy Adams) permet donc à Ron Howard de démontrer encore une fois, et dans les grandes largeurs, son manque foudroyant de talent.
On part pourtant ici d'un sujet en or, pas assez traité par un cinéma populaire US qui se contente prudemment de rester concentré sur les côtes Est et Ouest et leurs populations démocrates et libérales : l'Amérique "profonde", "hillbilly", voire "white trash" même, qui survit dans une demi-misère depuis l'effondrement de l'industrie US, et a largement soutenu Trump. "Une Ode Américaine" se base sur un best-seller, les mémoires de J.D. Vance, et narre en un mélange maladroit de flashbacks la manière dont le jeune J.D. a réussi à échapper à l'influence toxique de son milieu familial "hillbilly" pour réussir sa vie en faisant des études de Droit à Yale. Au delà du fait que, raconté comme ça, on est évidemment en droit de questionner la définition, très états-unisienne, de "réussir sa vie", c'est l'occasion parfaite de regarder avec honnêteté et de parler avec franchise de toute une partie de la population qui a été abandonnée par les politiciens, et est en réelle souffrance.
Malheureusement, si l'on excepte la description de l'absence de sécurité sociale permettent l'accès aux soins, même indispensables, et l'incroyable mépris dont les élites de la Côte Est font preuve bis à vis de leurs concitoyens moins fortunés - lors d'une scène de repas à Yale qui frise quand même la caricature -, on trouve bien peu de véritables considérations politiques, ou même sociales dans "Une Ode Américaine". On retombe au contraire, et très rapidement, dans la chronique presque complaisante des troubles familiaux habituels - violence domestique, alcool, puis drogues - qui servent finalement avant tout à dédouaner "le système", tant il est clair que ce sont les individus qui font leur propre malheur !
Bien entendu, Close et Adams, à coup de perruques, prise de poids, et absence de maquillage, sauf pour les défigurer, font le taff en lorgnant sans doute vers des nominations aux Oscar, et ce serait mentir que de prétendre qu'on ne prend pas un vrai plaisir à voir ces deux grandes actrices faire leur cirque pour nous. Gabriel Basso est par contre une erreur de casting totale, et n'arrive jamais à faire passer la moindre émotion convaincante dans le rôle principal : les photos de famille qui défilent sur le générique final - l'habituelle et horrible validation de "l'histoire vraie" - confirment qu'il n'a été choisi que pour sa ressemblance physique avec Vance.
"Une Ode Américaine" se boucle particulièrement mal, sur un happy end convenu frôlant le ridicule après le déferlement de catastrophes qui l'a précédé. Rien pourtant de surprenant de la part d'un cinéma qui ne témoigne d'aucun talent - hormis celui de ses actrices, on l'a dit - ni surtout d'aucune honnêteté. Quant à l'audace, n'en parlons même pas !
[Critique écrite en 2021]