Vu une copie d'une piètre qualité.
Une page folle tient une place importante dans l'histoire du cinéma japonais. En effet il peut être considéré comme le précurseur du cinéma d'avant garde nippon. Film indépendant financé par Kinugasa lui-même (et qui fut un échec commercial), il adapte au cinéma la démarche du neo-sensationniste (qui émerge et bouleverse à l'époque le milieu littéraire) . Ce courant dicte que le récit est moins important que la manière de le raconter, et privilégie les sensations à la narration, via des métaphores et des allégories. Le moins qu'on puisse dire, c'est que Kinugasa va pousser ce concept à son paroxysme.
L'histoire est celle d'un vieil homme travaillant dans un asile dans lequel est internée sa femme, rendue folle par la mort de leur enfant.
Il s'agit ici des grandes lignes de l'histoire. Celle-ci est clairement opaque, et chacun y verra ou comprendra des éléments différents. Kinugasa a en effet volontairement supprimé les intertitres et s'amuse à mélanger des images du présent, du passé, des rêves ou encore des images oniriques tirées de l'imaginaire des internés. Le spectateur est constamment incité à faire appel à sa subjectivité pour interpréter certaines scènes ou certains plans qui viennent s'insérer dans le récit. Par là, il touche vraiment au coeur et à la pureté du cinéma en tant que langage (et non support), ou l'image est le vecteur de sensations et d'émotions. Peu importe au final le récit (une simple ligne narrative suffit à la compréhension globale de l'histoire), ce qui marque ce sont l'atmosphère, les images et les surimpressions expressionnistes, le montage parfois incroyablement rapide (certaines scènes sont véritablement éprouvantes) et la modernité générale du film.
Pour la petite histoire, on a longtemps cru ce film perdu (comme la majorité des films muets japonais) et Kinugasa a retrouvé en 1971 une copie dans un bac à riz de son grenier. C'est aussi à cette époque que la piste musicale à été ajoutée.