Monty Clift pris au piège dans un triangle amoureux
Neveu pauvre d'un magnat de l'industrie, George Eastman est embauché en bas de l'échelle dans l'usine textile de son oncle. Rapidement, il s'éprend d'une ouvrière dénommée Alice, malgré le règlement intérieur qui interdit toute relation entre membres du personnel. Incapable de se contenter d'une seule femme, l'ambitieux manutentionnaire tombe parallèlement amoureux d'une riche étudiante incarnée par la toute jeune Elizabeth Taylor. Entre l'ouvrière plutôt banale et la magnifique fille de famille, le choix sera vite fait : le jeune homme sait en qu'épousant Angela Vickers, il a toutes les chances de vivre enfin dans le luxe, après de trop longues années de galère. Mais tous ses rêves d'ascension sociale s'effondrent subitement le jour où Alice lui révèle sa grossesse ! Pris au piège dans un triangle amoureux qui le dépasse, George va alors vivre une double vie de manière assez maladroite. Pas dupe pour un sou, Alice va découvrir les infidélités de son compagnon, et exiger de lui qu'il l'épouse, sans quoi elle révélera tout ce qui se trame aux familles Vickers et Eastman. Les idées les plus macabres vont alors traverser l'esprit de notre héros...
N'ayant vu qu'un seul film de Montgomery Clift au préalable, je vous avoue que je n'étais pas pleinement convaincu de ses aptitudes face à la caméra. Mes doutes ont été vite balayés tant l'acteur aux airs nonchalants passe d'une émotion à l'autre avec aisance. La scène de la barque, avec sa tension à couper le souffle, constitue ainsi l'un des sommets dramatiques du film, et sa réussite n'est due qu'au seul et unique talent de "Monty".
Le couple qu'il forme avec Elizabeth Taylor fait partie de la légende du cinéma, et jusqu'à la dernière scène, on ressent toute la passion qui unit ces deux êtres. Cette relation est à l'exact opposé de celle qui unit Alice et George. A travers ces deux couples, le réalisateur nous offre deux conceptions diamétralement opposées du mariage : d'un côté, tout n'est qu'amour, luxe et volupté. De l'autre, il ne sert qu'à officialiser une liaison et à éviter le qu'en dira-t-on en cas de grossesse malvenue... Justement, à ce propos, les scénaristes ont réussi à aborder le thème de l'avortement sans jamais le nommer, et on peut les féliciter pour ce subtil pied de nez à la censure alors en vigueur.
Au niveau de la réalisation, les personnages sont régulièrement filmés en gros plan, et ce parti pris visuel prend tout son sens lors de la fameuse scène de baiser entre Monty et Liz. Ce long métrage inspiré d'une histoire vraie nous permet enfin de découvrir le jeune Raymond Burr dans un rôle finalement très proche de Perry Mason...
Bref, "Une place au soleil" n'a pas volé ses 6 Oscars (essentiellement techniques), et rien que pour le couple Clift/Taylor, il mérite votre attention.