Dans Une poignée de plombs (Death of a Gunfighter en anglais, et on remercie au passage l’ingénu qui a choisi ce titre original qui spoile allègrement la fin du film), le plus intéressant n’est pas le film en lui-même mais la petite histoire autour de sa fabrication.

Suite à un différend sur le tournage entre Richard Widmark, l’acteur qui incarne le personnage principal du sheriff Frank Patch, et le réalisateur choisi par Universal, Robert Totten (dont c’était la première réalisation), ce dernier est contraint d’abandonner le projet. Impensable en France, à Hollywood, ce sont des choses qui arrivent. En plein tournage donc, le film se choisit un nouveau réalisateur en la personne de Don Siegel, avec qui Widmark vient de terminer Police sur la ville.
Une proportion à peu près égale de plans des deux réalisateurs figure in fine dans le montage final – bien que Don Siegel n’aurait été aux commandes que sur 9 des 34 jours de tournage.

Tourné en 1967, ces difficultés de production entraînent un délai de 2 ans avant que le film puisse sortir en salle. Mais surtout, c’est le premier film de cinéma (il y avait eu avant cela en 1955 un film de télévision intitulé The Indiscret Mrs. Jarvis) signé sous le pseudonyme Alan Smithee.

Alan Smithee un pseudonyme utilisé aux États-Unis par les réalisateurs mécontents de leur film, souvent à la suite de désaccords avec les Majors ou sociétés de production qui interfèrent sur le montage final. Il a été utilisé pour signer plus de 30 films depuis les années 60.

Lors d’une interview à ce sujet, Don Siegel déclara : « Quand j'ai refusé d'être crédité pour la réalisation du film Une poignée de plombs, de même que Bob Totten, la DGA a inventé un pseudonyme pour Totten et moi, Allen Smithee. Comme le film a été bien accueilli, j'ai dit à tous mes amis qui voulaient être réalisateurs de changer leur nom en Smithee et de revendiquer la paternité du film. Je ne sais pas si quelqu'un l'a fait. Je persiste à penser que dans certaines circonstances ils auraient pu briser la “barrière magique” et devenir réalisateurs. »

Maintenant le film en lui-même !
L’intrigue se déroule à la toute fin du XIXe siècle à Cottonwood Springs, une ville de l'Ouest déjà gagnée par le chemin de fer et les premières automobiles. Les notables de la ville souhaitent virer le sheriff en place depuis de longues années, un homme adroit de la gâchette mais parfois violent, et surtout qui connaît un paquet d’histoires sur tous les habitants de la bourgade. Le sheriff Frank Patch fait peur, et les financiers hésitent à investir dans les projets de la ville. Pourtant, ce dernier est bien décidé à conserver son poste. Très vite, les choses s’enveniment et Frank Patch est obligé de descendre un type pour sauver sa peau…

Une poignée de plombs est un film crépusculaire ancré dans un décor bien connu d’une ville avec ses rues en terre battue, son saloon et ses prostituées, son bureau de sheriff servant de prison, et l’église, qui trône au milieu de la grande place. Le film est pourtant empreint d’un certain pessimisme, qui se traduit par une violence crue, incontrôlée. Si le sheriff incarne l’ordre et la droiture, il sort parfois de ses gonds et frappe les habitants pour la moindre petite pique verbale.

Côté réalisation, le film souffre d’un certain nombre de défauts. On est très loin de Sierra Torride, des Proies ou bien des Evadés d’Alcatraz : tout est ici assez convenu, de bonne facture mais sans coup de génie.
Les personnages secondaires restent à l’état d’esquisse, bien qu’il y eût matière à s’amuser entre le petit jeune qui voit dans le sheriff son gourou ou une figure paternelle ; et le rôle des deux femmes du film, la gérante du saloon et l’employée dont est amoureux le benêt.
Les affrontements, que l’on sent venir de loin, sont par ailleurs bien maigres en action, et un peu vite expédiées.

Une poignée de plombs est donc un western qui se regarde sans déplaisir bien qu’un peu anecdotique. Le film a rapidement plongé dans la catégorie des westerns oubliés du cinéma, et compte par exemple moins de 100 notes sur SC.
En revanche, je trouve la petite histoire autour du film passionnante ! De quoi briller en société ;)

D-Styx
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le 23 juin 2022

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D. Styx

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