Il y a, je crois, deux voies possibles dans la bizarrerie, et filmique (ce qui nous intéresse), et intrinsèque (ce qui ne nous intéresse pas sinon à quoi bon regarder des films? - ahhhh oui les films sociaux! oui...) : bref il y a le « bizarre bien », qui est plaisant, que les esprits bien raides qualifieraient facilement de déjanté, farfelu, perché, hurluberlu chapeau pointu, en somme tout ce qui délite un chouïa les univers étriqués, et puis il y a la face sombre de la drôle de pièce : le « bizarre…bizarre ( ?) », qui est juste bizarre, dans le sens louche, parfois sale, souvent gênant, un peu le fait divers du voisin qui vit dans ses excréments avec une grande collection de poupées rousses. Olala mais qui l'eut cru ? (...)
Dans la deuxième catégorie, donc, il y a The Greasy Strangler, le premier et précédant film de Jim Hosking, qui – je veux bien le croire – partait surement d’une bonne intention mais se prenait crûment les pieds dans son clinquant dégueu et poseur et pataugeait maladroitement dans un gloubi-boulga (ce mot...qu'on lui donne un prix!) dissolu et écoeurant, fourbi scénaristique mi-scato mi-laine tout en flatulences, néons mauves et chibres flasques. Sorte de John Waters terriblement pénible et péniblement neurasthénique, donnant la désagréable impression d'être coincé dans un bar entre un mec ayant abusé du chichon (le petit frère de gloubi-boulga) ricanant tout seul au ralenti à sa propre blague incompréhensible et un autre lourd comme un phacochère qui raconte la même blague cradingue en boucle en nous tapant dans le dos jusqu’à ce qu’on rigole.
Et tout ça en se faisant resservir une tournée.
Kanpai!
Mais je m'égare (on dirait une mère qui s'étale sur les méfaits d'un pré-ado à l'anniversaire de son petit frère).
Et donc surprise, très bonne surprise : cet Evening with Beverly Luff Linn réussit partout où l’autre se ratait lamentablement, dans un univers pourtant assez semblable - sauf que cette fois-ci les personnages, la galerie , ont une personnalité et un fond. Et qui de mieux que la géniale Aubrey Plaza (que j'adore) pour rouler encore une fois des yeux en proclamant des absurdités cyniques et sèches, surtout accompagnée d'Emile Hirsch de slip et de perruque vêtu, de Jermaine Clement tout en romantisme puceau et anecdotes désolantes, et bien sûr les onomatopées du très mystérieux Beverly Luff Lyff dont l'extraordinaire show magique devient l'arlésienne du film. A noter que tous les seconds rôles sont vraiment marrants dans leur genre, notamment l'indien à la voix suraiguë (c'est vraiment naze comme phrase pour une critique, oui mais c'est comme ça), frère d'A. Plaza (qui n'est donc pas Stéphane).
Assez désopilants et véritablement absurdes, les dialogues tombent juste tout en semblant toujours s'être trompés d'une ligne, et il y a un truc assez Lynchien dans l'ambiance générale, comme si c'en était une parodie calée sur un autre rythme, donc rien que pour ça c’est une belle réussite, et c’est toujours l'excellent Andrew Hung qui compose la BO pour ne rien gâcher.
Voilà vous n'avez plus qu'à prendre des bonnes places tout devant pour le grrrrrrrand spectacle du gros Luff Linn !