L'histoire ordinaire d'un homme pour qui l'humanisme a prévalu sur tout le reste en 1939, au moment des accords de Munich. Ou plutôt l'histoire extraordinaire d'un homme très ordinaire.
Nicholas Winton est, en 1939, un agent de change londonien. Lors d'une visite à Prague, il est effaré et bouleversé par la précarité des familles de réfugiés allemands ou sudètes, en majorité juifs, à Prague et notamment de la situation des enfants, parfois orphelins dans un dénuement complet, alors que la guerre est imminente. Il décide de prendre sur lui d'exfiltrer des enfants vers la Grande Bretagne.
Le film évoque la course contre la montre pour obtenir l'argent nécessaire, les visas indispensables et trouver des familles d'accueil.
Mais la volonté de Nicholas Winton n'est pas suffisante. Il faut convaincre les parents d'accepter la séparation avec leurs enfants et le risque qu'ils perdent leur judéité. Il faut aussi convaincre les réticences des comités de réfugiés. Une très belle scène est celle du rabbin qui cherche à jauger la sincérité du britannique et le degré de confiance que la communauté peut lui accorder avant de lui confier des listes hautement "sensibles" de ces enfants. En lui rappelant la règle que "s'il commence une action, il doit tout faire pour l'achever".
Comme le fera quelques années plus tard, pendant la guerre, en Allemagne, Oskar Schindler, cet homme a contribué, en 1939, avec ses moyens un peu improvisés, à sauver des centaines d'enfants de l'horreur (669 exactement). Il organisera 9 transferts par train à travers l'Allemagne nazie jusqu'en Hollande. Le 9ème survient alors que la Pologne vient d'être envahie déclenchant l'état de guerre en Europe. Ce 9ème transfert, le plus nombreux, échoue car les nazis s'emparent des enfants dans le train au départ en gare de Prague.
Nicholas Winton ressentira toute sa vie ce dernier échec comme un échec personnel et un engagement trahi envers les familles. Il n'en parlera jamais y compris à sa future épouse. Seul un concours de circonstances à la fin des années 1980, cinquante ans plus tard, fera sortir de l'oubli cette histoire dont le bilan est bien plus qu'honorable. "Qui sauve une vie, sauve l'humanité". Alors, que dire de quelqu'un qui sauve 669 enfants qui deviendront 50 ans plus tard plus de 6000 êtres humains …
Le film se partage entre les deux époques entre un fringant jeune homme déterminé, soutenu par sa mère et ses amis, et un vieil homme seul avec sa femme qui prend soudain conscience que son échec si douloureusement ressenti pendant tant d'années est au contraire un formidable acte d'héroïsme et d'humanisme. C'est, bien sûr, cette deuxième période du film qui est très intéressante dans la résurgence de ce passé. Le rôle de Nicholas Winton, environ 80 ans à la fin des années 1980 est tenu par un Anthony Hopkins, jeune homme de 86 ans. Son jeu tout en nuances ainsi que sa stupeur devant la reconnaissance des enfants, devenus adultes, qui ignoraient tout de leur sauveur, sont très crédibles et chargés d'émotion.
La mise en scène de James Hawes, cinéaste britannique œuvrant principalement à la télévision britannique est très sobre mais efficace. Tout-à-fait adaptée pour la mise en exergue de cet humaniste qui s'ignore et qui prend peu à peu conscience de la portée de son action.
Un beau film poignant et un bel hommage à cet homme humaniste.