Après deux films audacieux et ambitieux, Derek Cianfrance se tourne vers l'adaptation de roman pour son dernier film. Exit Ryan Gosling, son acteur fétiche, et bonjour Michael Fassbender et Alicia Vikander qui viennent donner corps à la nouvelle étape du cinéma de Cianfrance. Car il ne fait aucun doute que celui-ci est en pleine mutation dans son travail, qui après deux films plus originaux et difficile à saisir semble vouloir attirer vers lui un public plus vaste. Comble de l'ironie, c'est en voulant être plus accessible à son spectateur qu'il semble le perdre, la critique n'ayant pas été tendre avec son film et celui-ci étant presque passé inaperçu au box-office.Pourtant même si l'on peut être déçu du chemin emprunté par le cinéaste, son dernier né est loin d'être honteux et possède même quelque jolies fulgurances.


Déjà du point de vue du scénario, on se retrouve plongé en plein cœur des obsessions de Cianfrance avec le couple dysfonctionnel mais à l'amour sincère ainsi que les questionnements autour d'une paternité qui se sent fautive, chose récurrente dans sa filmographie. Donc le cinéaste continue à faire ce qu'il avait déjà fait par le passé mais en l'amenant ici vers d'autres chemins. Il offre une place plus importante à la maternité, chose qu'il avait plus souvent laissé de côté par le passé et vient confronter les points de vue avec une certaine habilité. Dans un récit où il aurait été plus facile de dresser un portrait machiavélique pour imposer quelqu'un à blâmer, l'écriture s'y refuse et préfère prendre le temps de poser les motivations de chaque personnages pour que l'on puisse s'identifier à chacun de leurs choix, même les plus mauvais. Il y a une force qui ressort de cela car le film arrive souvent à se montrer poignant tout en évitant un pathos déplorable, il s'impose par sa sincérité et sa subtilité. Surtout qu'il est appuyé par un casting exemplaire, tout les acteurs offrent de très bonnes performances notamment le trio principal avec un Michael Fassbender habité mais malgré tout éclipsé par la prestation magistrale d'Alicia Vikander qui est d'une justesse sidérante. Rachel Weisz est un peu éclipsée par l'alchimie du couple mais s'en sort avec les honneurs.


Là où le film va vraiment perdre de sa matière, c'est surtout dans la construction de son récit. Il s'intéresse beaucoup trop à l'amour naissant des personnages dans sa première partie et il met trop de temps à venir aborder le cœur de son sujet. Non seulement on n'a l'impression d'être face à un film trop long mais qui en plus met du temps à vraiment aller quelque part. Il casse aussi sa dynamique de façon trop brutale lorsqu'il délaisse le couple pour s'intéressé au parcours de la mère célibataire incarnée par Rachel Weisz. Il c'était montré plus habile dans ce domaine avec The Place Beyond the Pines, ici cela vient alourdir son récit surtout quand il se sent obliger de venir mettre des flashbacks pour justifier l'amour entre cette femme et son défunt mari, chose qui aurait facilement pu être contourné. Il prend des chemins plus balisés et traditionnelles sur la fin de son histoire ce qui fait qu'on aura du mal de s'enlever de la tête que l'on est face à quelque chose de certes prenant mais de terriblement classique. La conclusion étant d'ailleurs d'un banal absolu. C'est aspect n'est en plus pas rehaussé par la mise en scène maîtrisée mais académique de Derek Cianfrance. Il offre des plans de toute beauté dans la première partie de son récit lorsqu'il s'intéresse au travail de son personnage principal et qu'il filme avec beaucoup de soin l’île sur laquelle il s'isole. Mais il reste dans les rouages traditionnels du drame romanesque et il a ne parvient pas à poser une patte visuelle sur son oeuvre. Et ce n'est pas aidé par la musique pompeuse d'Alexandre Desplat.


The Light Between Oceans est un drame réussi mais classique. Derek Cianfrance nous avait clairement habitué à mieux avec ses deux précédents films mais même si il déçoit dans son manque d'audace, il offre une oeuvre loin d'être honteuse. On reste dans ses obsessions et dans quelque chose qui touche au cœur de son cinéma, l'auteur ne se renie pas et même si il essaye maladroitement de s'ouvrir à un public plus vaste, il est toujours en mesure d'offrir des bons moments de cinéma loin de la facilité et du pathos dans lesquelles pourrait tomber ce genre de drame. Ici les plans sont particulièrement beaux malgré une mise en scène un peu plate, l'écriture habile malgré une construction aléatoire et on est charmé par l'impeccable casting, avec le couple Michael Fassbender et Alicia Vikander en tête qui sont tout deux parfaits et disposent d'une alchimie plus qu'évidente. Donc loin d'être parfait mais quand même du bon cinéma.

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le 21 oct. 2016

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