Poésie psychédélique, sensualité débridée...et des morts vivants!

A plusieurs reprises, j'ai voulu écrire une critique de ce magnifique film, toutes soldées par des échecs plus ou moins cuisants, et par un "annule et efface" douloureux.
Douloureux parce que j'aime ce film, mais il est tellement singulier qu'attaquer par un angle revient à mettre les autres au second plan.
Par exemple, on pourrait commencer par parler de son réalisateur, Jess Franco, de la façon dont se dégagent de son imposante filmographie (à peu près 200 films!!) différentes phases, commençant par afficher son amour du cinéma fantastique, offrant au spectateurs de grands films inspirés tant des grands classiques du noir et blanc que du baroque à la Hammer, tout en y instillant ses obsessions, la tension sexuelle omniprésente dans son cinéma, le tout filmé dans un noir et blanc digne de ses modèles, pour ensuite affirmer un style résolument psychédélique, tout aussi maitrisé, et à mon sens peut-être plus intéressant (Vampyros Lesbos étant un digne représentant de cette phase, avec Sie Tötete in Ekstase, dont les images et les BO hantent encore la mémoires de nombre de cinéphiles avertis).
Une Vierge chez les Morts Vivants se situe juste après, au moment où le style du réalisateur devient résolument personnel et assumé, dans une relation toute personnelle à son propre parcours, ses obsessions, ses influences. Il produit des merveilles comme Eugénie de Sade, Les Possédées du Diable, La Comtesse aux Seins Nus, entre autres réussites dépassant le cadre de la série B racoleuse pour offrir autre chose, parfois effleurant la singularité d'un Jean Rollin, sans pour autant avoir vraiment de points communs réels avec son cinéma.

C'est d'ailleurs par là que j'avais commencé une de mes critiques avortées, par la parenté fictive entre Rollin et Franco, qui s'arrête globalement au fait qu'on les trouve tout deux parfois chez les même producteurs, et souvent cote à cote dans les vidéothèques des cinéphiles déviants.
Et on trouve des filles nues et des vampires chez les deux.
Mais cette introduction creuse ne me servait qu'à amener ce qui est certainement l'élément le plus funeste du destin malheureusement commun de ce film : les différents montages, monnaie courante dans les boites peu scrupuleuses qui n'hésitent pas à transformer un drame en film porno à grand coups d'inserts foireux généralement en gros plan pour ne pas avoir à justifier le fait que la pièce ne soit pas la même, que les couleurs de cheveux des acteurs aient changé, ainsi que leurs tenues, dans la foulée.
De même que lorsqu'un film est trop sulfureux, des coupes au couteau sont effectuées sans la moindre hésitation pour créer une copie "respectable" et familiale.
Et c'est là que je balaye rageusement le mythe de la participation active de Rollin dans ce film.
Pourquoi rageusement ? Parce que les scènes filmées par Rollin, que ce soit une commande, ou simplement des rush de son désastreux Le Lac des Morts Vivants, le fait est qu'elles remplacent tout simplement LA scène maitresse du film, un tronçonnage dans les règles, arbitraire, et privant le spectateur d'une des plus belles scènes filmées par Franco, illustrée par une bande son prenante au possible, et tout ça pour quoi ? Voir une blonde avec les cheveux devant le visage fuir des zombies nazis qui n'ont strictement rien à faire là ?!
Cruel. D'autant plus cruel que c'est cette version là qui s'avère la plus répandue, chaque édition vidéo ayant sont lot de scènes privilégiées.

Mais à même titre que de commencer une critique de ce film en parlant de son réalisateur a de quoi faire peur, quand on connait le lascar et son coté pervers, démarrer par ce petit coup de gueule n'aurait finalement rien donné de bon, et ne m'aurait pas non plus permis de rebondir sur les qualités du film.

Car oui, ce film est une sorte d'OVNI, même au sein d'une carrière aussi barrée que celle de l'ami Jesus..

La belle et innocente Christina apprend par lettre la mort de son père, et est convoquée pour la lecture du testament dans cette étrange demeure, habitée par les étranges membres de sa familles, et hantée par une présence sombre et mélancolique.

Malgré une dimension convenue de ce scénario (une bonne raison de ne pas commencer une critique par un résumé), le réalisateur nous ouvre les portes d'une interzone étrange fonctionnant en vase clos, en dehors du temps et de la réalité, une sorte de conte où se mêlent avec brio visions oniriques, dérives poétiques, sensualité marquée, flirtant tant du coté du cinéma fantastique et d'épouvante que du drame surréaliste.

Au final, si j'ai effacé mes critiques successives, c'est certainement simplement parce qu'il est difficile de parler de quelque chose qu'on aime autant sans se perdre purement et simplement.

Mais c'est surtout parce que ce film fait partie de cette étrange catégorie d'oeuvre qui se dérobe au discours, glissent sous lui, ne laissant aucune prise aux mots, au commentaire. On ne peut pas parler de ce film sans taper à coté.
Il faut donc le regarder, l'esprit ouvert, et se laisser emporter.
Ou le détester et ricaner bêtement parce que quand même c'est un peu kitsch et y a des filles à poil et le mec qui ressemble au chanteur de Supergrass a un accent à la con et de toute façon j'aime pas les films de série B et puis on comprend rien, c'est nul...blablabla

(note pour moi même : penser à ajouter sur ma liste de gens à éliminer les gens qui n'aiment pas ce film... Bon pas éliminer mais peut être juste les décimer, un sur dix donc, juste pour l'exemple...)



toma Uberwenig

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