Sans que cela soit intentionnel (il y a fort à parier) Levan Gabriadze réalise ici un film-temps , en référence à Deuleuze et ses concepts d‘image-mouvement (cinéma classique) et d’image-temps (nouvelle forme de cinéma), novateur et bien dans l’air de notre temps. Il s’écarte formellement du slasher-ados traditionnel (« Souviens-toi l’été dernier », « Destination finale »), tout en en gardant les grands principes pour nous donner un film gadgtech, ludique, stressant et foncièrement malin.
C’est donc un le slalsher-ado, nouvelle formule mais respectueux du genre. On comprend donc mal pourquoi une certaine presse voudrait y trouver autre chose qu’une trame simpliste, quelques ados hystérico-neuneu décimés les uns après les autres, des incongruités et un survoltage ambiant. C’est le concept par excellence de ce type de films qui ont fait les beaux jours du cinéma d’horreur à la fin des années 90 et dans les années 2000 et tombés en désuétude depuis.
« Unfriended », ne vaut que par sa forme visuelle bien ancrée dans notre paysage numérique quotidien où se mêlent à l’écran tous supports pour chaque action, et évoque sur toutes ses faces la nouvelle peur bien rationnelle cette fois, celle de se faire happer (profiling, ciblage comportemental, harcèlement…). Le profil fantôme qui vient s’immiscer dans la conversation des 5 amis représente d’abord la peur (de l’inconnu), puis l’angoisse (est-ce l’un d’entre eux ?) et enfin la terreur (ils sont là pour en baver). Techniquement parlant, c’est génial ! Ce faux plan séquence (bien plus crédible que celui de « Birdman ») s’étalant sur tout le film est constamment parasité par les juxtapositions d’images et de sons familiers ou inquiétants. Toute la mécanique de l’angoisse repose sur ce stress permanent d’une mauvaise découverte au sens propre comme au figuré.
Mais ce concept révèle malheureusement ses limites, notamment en ce qui concerne l’unité de lieu trop cloisonnée (même si cela est logique). On se fatigue un peu sur la seconde partie (la découverte s’étant émoussée), elle est heureusement sauvée par un final ingénieux.
Et si l’on se reporte au minimaliste budget (1M de $) et à la durée du tournage (16 jours), on ne peut qu’être étonné, dans le bon sens du terme, et Gabiriadze de s’en sortir plutôt très bien !