Ce film réalise le tour de force de ne proposer qu'un plan séquence unique, celui de l'écran du Macbook Pro de Blaire, jeune ado qui surfe allègrement entre YouTube, Google, Facebook, Skype, Spotify et plein d'autres sites à la mode qu'ils sont cools (paie tes placements produits). J'ai vu le film en VF et pour une fois, cela ne m'a pas dérangé tant le travail de traduction a été réalisé avec soin (les échanges écrits sont crédibles et sont directement incrustés dans le film, sans superposition lourde et explication culturelle, et les voix des ados sont niaises ce qui colle parfaitement avec l'esprit du genre). On pourra critiquer le manque de cohérence de certaines actions en ligne (les messages Facebook qui ne se suivent pas, les suggestions YouTube qui restent en anglais, le son du Mac qui diminue et qui augmente tout seul, ces ados qui ont un Skype qui lague à mort genre ils ont une connexion modem 56k, etc.) mais cela reste du détail et ne gêne en aucun cas le déroulement du film.
Là où le bât blesse cependant, c'est la lenteur de l'action et de la mise en place du film en lui-même, les personnages et ce qui les a amenés à cette intrigue, alors que franchement, y'a rien de bien compliqué à cerner. D'accord, il y a un soucis de réalisme, je tape un message, je vois que l'autre est en train d'écrire, PAF ! petit son le message est enfin arrivé, je réponds, je change de fenêtre pour changer de musique, oh mon mec me répond pas, mais qu'est-ce qu'il fout, attends je vais le faire sonner sur Skype, ah il est en train d'écrire, ah bah nan il a effacé ce qu'il était en train d'écrire, attends je vais regarder une vidéo sur YouTube, ah tiens une vidéo-conférence Skype, oops ça a buggé, je vais... AAAAAAH PUTAIN MAIS IL VA SE PASSER UN TRUC OU QUOI ???????
Sur le plan formel et plastique, on ne peut pas nier la réussite de l'exercice : l'équipe du film est parvenu à s'approprier les outils 2.0 pour réaliser un tout crédible et cohérent. Dans le fond, on se fait quand même un peu chier malgré les jump scares classiques de l'épouvante-horreur et un scénario qui délivre son dernier rebondissement à la toute fin du film, même s'il est attendu. Il y a eu un réel effort pour traiter les problèmes liés à internet (cyber-criminalité, cyber-harcèlement, cyber-vie privée, cyber-mes couilles, cyber-etc.) même si ce n'est que pour les évoquer superficiellement, sans les traiter, genre coucou ça existe haha c'est rigolo oulala ils sont punis mais bon c'est par une morte c'est pas crédible. Soit dit en passant le film se veut tout de même moralisateur, par exemple
l'ado qui est vue comme une grosse catin finie morte avec un fer à lisser en gorge profonde. Eh ouais t'en as tellement sucé que tu vas la sentir passer ta dernière pine. Classe. la salle rit de concert
Bref, un film d'horreur tout ce qu'il y a de plus anodin, si ce n'est ce concept plastique qui donne un nouveau souffle formel au genre, comme Le Projet Blair Witch l'avait fait avec la caméra numérique au poing, ou Paranormal Activity avec les caméras de surveillance.
PS : ah oui j'oubliais, pour une fois le titre "français" (Unfriended) est bien mieux trouvé que l'original (Cybernatural, "LOL").