Un ami comme toi

Il y a vraiment de bonnes idées dans ce film. Dommage qu'il y ait tant de faiblesses dans l'exécution.

Tout d'abord, ce fut perturbant, au début, de lancer le film. En effet, durant les premières minutes, j'ai voulu faire une pause, mais au lieu de stopper mon VLC, j'ai essayé de cliquer sur la fenêtre dans le film ! Je me suis senti un peu bête. En fait, j'ai vraiment apprécié le sens du détail dans cette mise en scène. J'avais lu qu'il ne s'agissait que d'une capture d'écran. Moi je trouve pas ! Y a plein de petites choses super intéressantes, la tracklist de l'héroïne par exemple, les noms des onglets, ou encore les différents dossiers de son ordi. On retrouve le même soin dans l'utilisation des réseaux sociaux, un maniérisme qui n'est pas sans rappeler celui de Wes Anderson pour ses décors. "Unfriended" est bien un film de son époque aussi, c'est un autre petit plus, puisque le film de fantômes se voit enfin adapté et ancré dans notre présent, au travers de notre évolution (les fantômes avec des petites filles qui n'ont pas été chez le coiffeur depuis des lustres et qui attendent dans une vieille cave pleine de canalisations, c'est bien, mais changer de décor ça fait du bien aussi).

Le scénario traite pertinemment de la question de l'amitié au travers des réseaux sociaux mais les auteurs auraient pu aller plus loin là-dedans, notamment en caractérisant plus précisément les personnages qui sont un peu tous pareil au final. En retravaillant les querelles aussi, car la dernière demi-heure laisse vraiment désirer à ce niveau-là : les personnages se balancent des petites surprises/anecdotes venues de nulle part, que eux seuls connaissent, alors qu'il aurait été plus efficace de jouer uniquement avec des données acquises par le spectateur. Il y a aussi quelques chutes de rythme : la mise en place met trop de temps (en fait, le jeu aurait dû être mieux écrit mais aussi être traité plus longuement) ; des petits passages agaçants, quand les personnages refusent de taper certains dialogues qui auraient pourtant permis d'accélérer l'intrigue.

Il y a un côté fun aussi, mais il n'est que très pauvrement exploité : les mises à mort sont marrantes, mais les montrer sous forme de jumpscare, c'est vraiment les dévaloriser : le film aurait vraiment gagné à toucher au grandguignolesque puisque tout cela n'est jamais qu'un spectacle (tout se déroule dans un écran). Le concept n'est pas non plus très bien déterminé, c'est sans doute pour cela que certaines réactions des personnages paraissent ridicules (chercher de l'aide du skype, c'est moyen, mais en même temps c'est logique vu le cadre du film : cela veut donc dire que cette solution adoptée par l'héroïne est très mal amenée).

La mise en scène m'a donc très fort plu, avec un certain radicalisme qui ne fera défaut qu'à la fin, où l'on sort totalement du cadre imposé jusque là, pour un choc gratuit mal venu. Sinon, pour le reste, je maintiens que conserver cette activité tout du long est une excellente idée et que c'est bien fourni. Enfin pas assez. Là aussi les auteurs auraient pu aller plus loin, présenter plus de détails. Durant les 15 premières minutes, je trouve qu'il y a plein de choses à voir, du coup, le spectateur se fait son propre film, regardant un peu là où il a envie de regarder. Malheureusement, cela va se perdre au fil de l'histoire, le 'décor' étant moins mis en avant, moins exploité, moins fourni.

Je regrette aussi l'ajout de quelques sons par moment, des sons réellement venus de nulle part, juste pour fixer l'ambiance (non-diégétique). C'est dommage parce que c'était nettement plus efficace quand la musique se lançait tout seul (ou même quand l'héroïne lançait elle même un morceau). Il y a un autre point qui me chiffonne et qui pourtant se justifie : lorsque l'héroïne fait autre chose, le son Skype diminue tout seul. Je n'ai pas assez utilisé Skype dans ma vie pour savoir si cette option existe réellement, mais j'en doute. Ce qui gêne c'est que ça se fasse tout seul, pourtant ce genre d'effet a toujours existé (quand des gens à l'arrière plan parlent, mais on n'entend rien), et puis en plus c'est parfois nécessaire pour entendre d'autres dialogues/sons plus importants (surtout que par moment les personnages ne font que faire du bruit avec leur bouche).

Je regrette aussi qu'il n'y ait pas plus d'interactivité avec le film. je pense qu'il y aurait vraiment eu à faire en fournissant plus de liens, plus de vidéos ; c'est le genre de film qu'on DOIT regarder chez soi, sur un ordinateur, afin de pouvoir mettre le film en pause et faire nos propres recherches aussi. Ah bon sang, si William Castle était encore en vie et actif, je suis sûr qu'il proposerait plein d'idées folles de ce genre, où le spectateur participe à l'intrigue (sans pour autant avoir un impact).

Bref, ce film est vraiment intéressant et pose beaucoup de questions sur les limites du cinéma, de la narration, du cadre (d'où la bêtise du plan final), de la manière de renouveler cela, d'aller au-delà de l'écran amis aussi de resituer le spectateur par rapport au récit. Pour moi, le film est maladroit par bien des aspects, mais ce n'est clairement pas la bouse annoncée, ni un "Paranormal Activity" sur ordinateur (j'ai aussi lu "Blair Witch", c'est vrai a qu'il y a un peu l'idée qu'on ne voit rien, que tout se déroule en hors champ, mais les deux films prennent une direction totalement opposée dans les intentions scéniques et même dans les explications - "Blair Witch" est réellement mystérieux, ici il n'y a pas vraiment de quoi se poser des questions, les motivations de l'entité étant claires malgré le fait que les personnages mettent longtemps à comprendre). Bref de bref, une bonne surprise même si l'exécution fait parfois défaut.