Upstream Color est typiquement le genre de film original et (bien) léché qu'on a envie d'aimer de tout son cœur dès les premières images et les premières notes de musique. Typiquement le genre d'initiative cinéma indépendante qu'on a envie d'encourager, de promouvoir, de plébisciter. Typiquement le genre de one-man-made qu'on a envie de poser sur un piédestal et d'adorer de manière inconditionnelle, sans "si", sans "mais", sans restrictions.
Pour son élégance formelle, pour sa sensibilité, pour sa couleur, pour sa façon de se glisser sous la peau et d'y sinuer tranquillement, à son rythme. Pour sa façon de s'insinuer dans l'esprit et d'y distiller son bleu outremer.
Seulement voilà.
A trop faire de chichis, trop jouer la déconstruction, les excès clipesques de la mise en scène transforment sa poésie authentique, intense, mélancolique, en un exercice de style un peu vain et terriblement narcissique, dont l'absence de substance scénaristique et les dialogues elliptiques usent le spectateur plus qu'ils ne l'abusent.
Bien sûr qu'il y a des films qui sont à ressentir plutôt qu'à réfléchir, des expériences qui sont à mûrir plutôt qu'à apprécier telles qu'elles. Mais quand le prêt-à-interpréter devient une excuse aussi grossière pour livrer une trame indigente, sans que l'auteur se sente jamais le devoir narratif d'en faire plus qu'un prétexte ("tu comprends pas, c'est allégorique, mec, l'histoire a pas besoin d'avoir un sens parce qu'elle est pas importante par elle-même, tu vois ?"), il est difficile de s'enthousiasmer autant qu'on le voudrait. Ce qui rend triste, et déçu, et amer.
Parce qu'un mauvais film raté laisse moins de regrets qu'un très bon film pas-tout-à-fait-réussi.