Après ses adaptations de Pagnol, Claude Berri livre une comédie dramatique d'après un bouquin de Marcel Aymé paru en 1948 qui raconte les règlements de compte entre plusieurs habitants d'une petite bourgade française juste après la guerre. Autrement dit, Berri fait revivre une période trouble de notre Histoire qui sent à plein nez l'épuration et la chasse aux collabos à la Libération. Et ça vaut le détour !
A travers cette bourgade provinciale et une galerie de portraits pittoresques en proie aux dénonciations, à la calomnie et à l'hypocrisie qu'il dénonce par un humour très noir, le réalisateur signe une chronique grinçante des années d'immédiate après-guerre, une réflexion sur la nature humaine qui ne manque pas de piquant, bien qu'il ait un peu adouci le ton extrêmement féroce du bouquin, mais où les personnages importent plus que la période décrite. Le film est traité comme une fable, non comme une reconstitution historique.
Pour ces portraits au vitriol, Berri fait appel à un gratin d'acteurs français, on pourrait même presque dire que le film ne vaut que pour ça, mais pas que, car l'ensemble est un régal. Chacun type un caractère et se paie une tranche de cabotinage (mais dans le bon sens du terme), c'est carrément jubilatoire. On trouve en effet Noiret en prof désabusé et idéaliste, Blanc en militant communiste moraliste, Marielle en ex-pétainiste désorienté et hypocrite, Prévost en arriviste odieux, Galabru en ignoble notable enrichi par le marché noir, Lucchini en intello illuminé, et un Depardieu impérial, tonitruant et dantesque en cafetier alcoolique touché par la poésie... autant dire que les numéros de ces grands acteurs se dégustent littéralement, bref c'est l'exemple d'un bon film français de ces années 90 à une époque où le cinéma français avait encore une signification.