Pépé, c’était comment la Libération ?

Marcel Aymé ne manque pas d’audace pour publier en 1948 Uranus. Il éparpille, par petits bouts façon puzzle, le rassurant mythe gaulliste de la France unifiée et combattante, libérée et réconciliée. Souvenez vous de la voix emphatique du Général : « Il y a un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde » (Londres 1941), foutaise lâche Marcel le cynique.


Claude Berry adapte très fidèlement son roman en s’appuyant sur la crème des acteurs. A moitié détruite par un tardif, et probablement inutile, bombardement américain, la commune de Blémon s’est placée sous la tutelle du maquis local. Les ex-maréchalistes se terrent et se taisent, les profiteurs de guerre se rachètent une conduite, les communistes sont tiraillés entre terreur révolutionnaire et préparation des prochaines élections, les gendarmes ferment les yeux et tous, ou presque, s’accordent pour immoler un écrivaillon collaborateur (Gérard Desarthe). Hélas, le peu coopératif bouc émissaire s’échappe et trouve refuge chez l’ingénieur Archambaud (Jean-Pierre Marielle), qui héberge déjà la famille du communiste Gaigneux (Michel Blanc) et le doux professeur Watrin (Philippe Noiret). Une cohabitation délicate !


Ancien hercule de foire reconverti dans la limonade et le petit blanc, Léopold (Gérard Depardieu) écrase de toute sa puissance une distribution pour autant excellente. Alors que Watrin assure son cours de français dans son bistrot, Léopold pleure sur le funeste destin d’Andromaque :
Où fuyez-vous, Madame ?
N'est-ce point à vos yeux un spectacle assez doux
Que la veuve d'Hector pleurante à vos genoux ?


Il n’aura fallu pas moins d’une guerre mondiale pour que le cafetier illettré se découvre une âme de poète. Ne voilà-t-il pas qu’il compose :
« Passez-moi Astyanax, on va filer en douce
Attendons pas d'avoir les poulets à nos trousses. »


Le colosse a molesté Rochard (Daniel Prévost), le communiste qui avait terrorisé la ville. Le chef de cellule Jourdan (Fabrice Lucchini) hésite sur la conduire à suivre, peut on laisser brocarder un bon militant ? La tragédie est en marche.


Les dialogues de Malcel Aymé sont admirablement ciselés Trop peut-être, Uranus ne prétend pas au naturalisme, mais à la vérité littéraire. La nuit du pilonnage, Watrin a perdu sa femme infidèle, mais survécu miraculeusement au tapis de bombes. Depuis, il revit. Ecoutez Noiret : « Malheureuse planète, astre sombre roulant aux marches de l’Infini ! Je sens peser en moi la présence réelle d’Uranus ! L’astre sombre et glacé pèse sur tous les points de mon être ! Cette masse écrasante de noir, de négatif, de désespoir, de désolation, d’abandon, comme un mauvais rêve ! Et pourtant quelle réalité ! Et combien fidèle et ponctuelle, tous les soirs à onze heures et quart, le combat recommence ! A travers mon sommeil, toute la nuit, jusqu’à mon réveil, jusqu’à la délivrance du matin. Et quand je rouvre les yeux, je retrouve enfin la Terre, je reviens dans la patrie des fleurs, des rivières et des hommes. Qu’elle est belle la Terre ! (…) Rien n’est mauvais dans l’homme. »


https://compagnieaffable.wordpress.com/2016/02/11/uranus-de-claude-berri-la-tirade-de-watrin-philippe-noiret/

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le 16 juin 2016

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Step de Boisse

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