C'était déjà, à la base, une idée un peu merdique de vouloir faire un film en un seul (faux) plan-séquence censé reconstituer les évènements de la tuerie de l'île d'Utoya.
Mais comment tous ceux impliqués de près ou de loin dans ce projet ont pu s'imaginer que filmer des gamins dans un fossé pendant 20mn et appuyer toujours plus sur le mélodramatique à chaque changement de fossé suffisait à reproduire l'ampleur de la tragédie et, plus simplement, à faire un film un tant soit peu intéressant.
Je trouve assez sidérant que le réalisateur n'ait pas pris conscience du défi technique ET moral qu'impliquait le choix du dispositif en plan-séquence:
- Toujours avoir à filmer quelque chose d'interessant.
- Ré-engager constamment l'intérêt du spectateur pour ne pas le perdre.
- Toujours avoir la caméra à la bonne distance de ses personnages.
Erik Poppe s'en fout. Il filme pendant 1h30 en mode guerilla des gamins qui jouent mal et qui n'ont rien d'intéressant à jouer. Il zoome sur la détresse de ses personnages.Il ne s'en éloigne pas. Il ne les fait pas disparaître hors-champ quand il faudrait, par pudeur, les laisser tranquille.
Donc voilà, double peine: En plus d'être chiant, "Utoya" est un film moralement dégueulasse. Et pourtant, je ne suis vraiment pas à cheval sur toute les questions d'éthique et de la moralité d'une image ou d'un mouvement de caméra (Rivette, De l'abjection: https://www.univ-conventionnelle.com/Le-travelling-de-Kapo-De-l-abjection--texte-integral_a200.html). Les films sur l'Holocauste ne me pose pas de problème et je suis probablement l'une des rares personnes sur cette planète à défendre l'intérêt d'un film aussi choquant que "A Serbian Film".
Mais non, désolé, ce film ne fait que traiter les évènements de la tragédie d'Utoya d'un point de vue cynique et tire-larmes qui le rend, je trouve, vraiment obscène.
Pour finir, petit récap des films à plan-séquence sortis ces dernières années et mon avis personnel sur ces films:
- VICTORIA, véritable plan-séquence de 2h40. Les comédiens font ce qu'ils peuvent pour faire fonctionner les situations, ils s'en sortent pas trop mal mais ne parviennent pas, sur la longueur à camoufler l'artifice du dispositif. FAIL
- BIRDMAN, idée brillante d'utiliser le plan-séquence pour se faufiler dans les coulisses de ce théatre. Les acteurs sont excellents et mettent en valeur le dispositif. WIN
-LE FILS DE SAUL, film hypocrite qui utilise un flou constant autour de son personnage pour montrer le camp de concentration sans vraiment le montrer. FAIL
-THE REVENANT, avis mitigé. Certains plans-séquences fonctionnent, d'autres pas du tout. DEMI FAIL
-GRAVITY, tour de force technique... mais c'est tout. Enfin, c'est pas grave. Pour moi, Alfonso Cuaron avait déjà réalisé les meilleurs plans-séquences de l'histoire du cinéma dans LES FILS DE L'HOMME.