Dès la fin du générique, le critique aguerri sent rapidement son film : bon, pas bon, l’affaire est promptement tranchée, la suite n’est que pinaillage et arguties. Toujours ? Presque. Vaiana de Ron Clements et John Musker constitue un contre-exemple. Toute la séance, mon esprit folâtra, qu’en penser ? Toute la nuit, mon cerveau embrumé rumina, qu’en penser ? Au petit matin, par faiblesse, j’optais pour un 6, sans rédaction de critique.
Le contexte : Le fond culturel polynésien et les décors sont somptueux. Vaiana est une magnifique invitation au voyage aux Fiji, Samoa ou Tahiti. Les peuples premiers en sortent grandis, recouvrant leur passé d’explorateurs, souvenez-vous du Kon-Tiki. Les auteurs se sont défendus d’avoir créé une nouvelle princesse : Moana ne serait que la fille d’un chef. Cette enfant reçoit, dès sa naissance, la promesse (improbable, cf. note ci-dessous) d’hériter des biens, titres et responsabilités de son père, ce qui constitue l’apanage d’une princesse héréditaire. Princesse, elle l’est donc, mais elle ne sera ni soumise, ni prostrée dans l’attente du prince charmant. Moana est indépendante, rebelle et aventurière. Elle ne séduit ni ne sera séduite.
Le pitch : Le cœur de la déesse mère Te Fiti possédait le pouvoir de créer la vie. Maui, demi-dieu du vent et de la mer, s'en est emparé, puis a disparu, abandonnant le monde ultramarin en péril. Qui réparera le forfait ? L’histoire mixte habilement Hercule (le demi-dieu), Rebelle (la princesse indocile), Aladin (le comparse polymorphe) et Lilo et Stitch (les iles polynésiennes).
L’image : Le travail de la 3D sur la nature, la mer et la lumière est somptueux. La première séquence est admirable : L’Océan apprivoise l’enfant. Moana est l’Elue !
Les personnages : Tout le film repose sur le duo Moana et Maui. Les seconds rôles sont inexistants : les parents sont transparents, les voisins réduits à des rôles de figurants, la grand-mère vite expédiée ad patres, le cochon Pua oublié et le jeu du poulet Hei-Hei trop limité. Ne demeurent que l’excellent mini-Maui et les facéties de Maui. C’est peu. Si la mer est belle, la faune marine brille par son absence, ses amateurs réduits à revoir Le Monde de Dory. L’intérêt de la quête se réduit à ses trois adversaires. Les Kakamora sont absurdes. Te Ka, monstre de lave, de colère et de feu, est décevant. J’avoue un faible pour le merveilleux décapode Tamatoa (VO Jemaine Clement), le crabe géant des abysses :
"You will die, die, die
Now it's time for me to take apart
Your aching heart
Far from the ones who abandoned you
Chasing the love of these humans
Who made you feel wanted
You tried to be tough
But your armour's just not hard enough »
La bonne surprise est à chercher dans le colossal Dwayne “The Rock” Johnson, la voix de Maiu, qui pousse bien la chansonnette :
« You're Welcome,
What can I say except "you're welcome" ?
For the tides, the sun, the sky
Hey, it's okay, it's okay, you're welcome
I'm just an ordinary demi-guy ! »
Qu’en penser ? Je propose un 6. Beaucoup de bruit pour rien et un trop long travail pour aboutir, au final, au même chiffre.
NB. Une rapide recherche démontre que les souverains polynésiens se succédaient, soit de père en fils, soit de père en cousin ou neveu quand les anciens des grandes familles élisaient le successeur. Je n’ai découvert qu’une exception dans la dynastie des Tuʻi Kanokupolu, qui règne sur tout ou partie des Tonga depuis 23 générations. Tupoulahisiʻi fut roi de 1782 à 1789, Mulikihaʻamea lui succéda, tôt renversé par sa nièce Tupoumoheofo, fille du précédent et femme principale du Tuʻi Tonga, Paulaho. Elle sera destituée par un cousin en 1793.