1793, en Vendée. Alors que depuis quatre ans, ils subissent le joug de la Révolution française, des paysans vendéens vont chercher dans son château François Athanase Charette de la Contrie (Hugo Becker). Peu intéressé par la cause, ce dernier accepte du bout des lèvres. Entre la République et lui s’engage un duel sans merci…

En tant que coproduction du Puy du Fou et de Canal+, c’est-à-dire entre un parc à thèmes qui a reçu la récompense du meilleur parc du monde et le plus grand groupe audiovisuel français, j’avais eu un moment l’espoir naïf que le film échapperait aux polémiques que des agitateurs de tous bords aiment brandir dès qu’on déplaît un peu à leurs idées. C’était visiblement trop demander, et SensCritique, comme d’autres sites, s’est une nouvelle fois vue devenir le théâtre de commentaires aberrants, criant au chef-d’œuvre ou au navet sans aucune mesure.

Est-il encore possible de trier le bon grain de l’ivraie dans ce que j’ai pu lire à droite et à gauche sans se laisser enflammer par les passions séculaires que semble raviver ce film ? J'aimerais en tous cas parler du film, sinon de manière neutre (la neutralité n'étant bien souvent que le paravent des faibles), au moins de manière calme et posée.

Vaincre ou mourir doit se juger à deux niveaux : cinématographique et historique. Disons-le d’emblée : ceux qui reprochent au film de n’être ni l’un ni l’autre sont ou bien des menteurs ou bien des ignorants. Entre le navet et le chef-d’œuvre, il existe mille nuances qu’ils se font fort d’oublier…

De qualité cinématographique, le film du Puy du Fou n’est donc pas dépourvu. Pour autant, on conviendra aisément que c’est sûrement sur ce plan-là que Vaincre ou mourir se révèle le plus faible. Disons que pour une première réalisation, le travail accompli est tout de même impressionnant et il convient de le saluer. Mais si on enlève au film l’excuse d’être un premier pas dans le cinéma pour ses réalisateurs, alors on peut souligner mille caractéristiques techniques – dont je serais bien incapable de parler – qui rendent l’image imparfaite. Néanmoins, si la photographie manque d’une identité visuelle bien claire, elle n’en reste pas moins globalement efficace, et ne rompt en tous cas jamais une atmosphère franchement réussie, conforme aux attendus de ce genre de récit.

Le travail de la lumière, des décors ou des costumes, penche, lui, davantage du côté du positif et on ne pourra dénier au film un réel travail de reconstitution qui lui permet d’échapper totalement au côté « spectacle filmé » qu’on aurait pu redouter venant du Puy du Fou. Jamais on n’a l’impression de regarder un spectacle du Puy du Fou devant lesquels les réalisateurs auraient simplement posé leur caméra. La recherche esthétique est bien présente, et plusieurs plans le montrent bien, c’est l’ensemble qui manque encore un peu d’homogénéité, pas forcément aidé par un montage fluctuant.

Au niveau de la musique, cette fois, on lorgne tout-à-fait du côté des spectacles du Puy du Fou, Nathan Stornetta oblige (il reprend d’ailleurs son thème principal du Dernier Panache). C’est professionnel, efficace, mais il y manque un gros supplément d’âme, celui qui aurait pu rendre cette bande-originale plus personnelle et plus ample.

Rien de honteux, donc, sur la forme, même si la marge de progression existe très largement, pour les apprentis réalisateurs. Allons donc maintenant sur le terrain historique, le plus intéressant à analyser.

L’ouverture du film a la qualité de son défaut : lourde et inutile dans la narration du film, elle entend poser un contexte qu’une séquence d’ouverture bien écrite aurait mieux installé. Mais elle est révélatrice de l’intention du film : ne jamais partir dans la légende, préférer l’exactitude historique la plus rigoureuse. On sait bien que le premier historien à parler est Reynald Sécher, on connaît les polémiques de spécialistes au sein desquelles il s’est trouvé, et je n’entends pas trancher la question, ne m’étant jamais penché en détail sur le duel Sécher/Martin. Il n’en sera jamais question dans le film, la volonté de ce dernier étant bien loin de la polémique sur laquelle ont tristement fondu des vautours prompts à exister uniquement par la haine.

Car en effet, on lit ici et là des mots violents et aberrants tels que « révisionnisme », au champ lexical duquel ils se raccrochent tous. Là est la vraie question : Vaincre ou mourir est-il révisionniste ? Tout dépend du sens des mots. Ouvrons notre Larousse. Sur les 3 définitions qu’il nous propose, deux seulement semblent convenir (excluons la version marxiste du révisionnisme) :

1.) Comportement, doctrine remettant en cause un dogme ou une théorie, notamment celle d'un parti politique.
2.) Remise en question de faits appartenant à l'histoire de la Seconde Guerre mondiale, tendant à nier ou à minimiser le génocide des Juifs par les nazis.

Bien évidemment, on peut exclure également la 2e option, puisque le film du Puy du Fou n’a aucun lien, de près ou de loin avec la Seconde Guerre mondiale. Si l’on veut élargir les bornes chronologies auxquelles cette acception se réduit, néanmoins, on pourra facilement démonter le supposé « révisionnisme » du film. Car enfin, il n’y a qu’une vérité : les événements présentés dans le film se sont-ils déroulés, oui ou non ? Une écrasante majorité de ce qui est montré dans le film a réellement eu lieu, même si certains détails ont pu être revalorisés (pas sûr que Charette se soit montré aussi vaillant lorsqu’on est venu le chercher pour la première fois dans son château). Ce n’est pas une opinion, mais un fait, historique, dûment attesté par les historiens officiels. Et c’est là que le film trouve sa plus grande qualité : l’essentiel de ce qui est dit est purement factuel.

Ceux qui veulent « réviser » l’Histoire ne sont pas ceux qui affirment que les guerres de Vendée ont fait 200 000 morts. On trouve ce nombre (plus qu’approximatif, tout le monde en convient) attesté par Jean-Clément Martin lui-même, qui le complète en disant que cela constitue 20 à 30% des morts de la Révolution française. Si le grand ennemi de la thèse du génocide vendéen avance ce chiffre, ne peut-on s’y fier ? Il affirme même que ce chiffre se partagerait entre 170 000 Vendéens et 30 000 républicains. Prenons-le donc comme un fait, en n'oubliant pas son approximation évidente.

S’agit-il alors de « révisionnisme » dans le premier sens du terme mentionné par mon Larousse ? Observons : est-ce qu’un comportement ou une doctrine remettant en cause un dogme ou une théorie est forcément une mauvaise chose ? Suivant cette définition, si, demain, une dictature se mettait en place, dirigé par un homme affirmant dogmatiquement que 2 et 2 ne font plus 4 mais 5, alors ceux qui connaissent la vérité contesteront le dogme établi et seront donc appelés « révisionnistes ». Auront-ils tort pour autant ?

Revenons à Vaincre ou mourir. Modifie-t-il l’Histoire dans ses grandes lignes ? Jamais. Jamais plus, en tous cas, que n’importe quel film historique. Et quand on pense au viol intellectuel qu’ont pu commettre Ridley Scott ou Mel Gibson en prétendant que les guerriers du Moyen-âge se battaient pour la démocratie ou pour la liberté du peuple (dans des films excellents au demeurant), on se dit que Vaincre ou mourir ne ferait que se situer, au pire, dans leur lignée.

Maintenant, le film du Puy du Fou remet-il en cause un dogme ou une théorie ? A peine. S’il existe, quelque part dans les esprits embrumés et ignorants d’une certaine élite républicaine autoproclamée, la croyance que la République a toujours été pure et parfaite, alors oui, le film de Mignot et Mottez remet en cause un dogme. On ne découvre pas que chez certains, la République a une dimension plus que sacrée, quasi mystique. On imagine volontiers que ces gens-là, qui sont les premiers à se moquer des religions, pousseront les hauts cris en voyant qu’on ose toucher à la leur.

Pour les autres, ceux qui connaissent l’Histoire, Vaincre ou mourir ne remettra pas en cause grand-chose. Ils savent que la République est né dans le sang et qu’elle trouve ses origines dans les massacres de nombreux innocents (l’hymne national qui en est un symbole, chant guerrier par excellence, nous le rappelle d’ailleurs suffisamment). Ils ne seront donc guère surpris de voir le portrait de cette Première République qui est dressé dans le film, a priori assez fidèle à ce qu’elle a pu être historiquement. Les Républicains d’aujourd’hui sont-ils devenus tellement idéologues qu’ils ne veulent absolument pas qu’on rappelle les méfaits causés par les fondateurs du régime ? Eux qui sont toujours prompts à rappeler n’importe quel événement historique qui leur paraît humilier l’Eglise, ont-ils honte de l’histoire de leur régime ? La République est-elle donc quelque chose de si divin qu’on n’a plus le droit d’en critiquer le moindre élément ?

Il n’est rien de plus réjouissant que de voir le pire des idéologues pris à son propre piège…

Evidemment, ne jouons pas les naïfs : on connaît le Puy du Fou, on connaît Vincent Bolloré et on connaît leurs idées. Il est évident que le fait de sortir un film sur Charette n’a rien de totalement anodin, et on peut légitimement supposer (à défaut d’affirmer) que l’existence de ce film témoigne d’une volonté de la part de ses producteurs de mettre en images leur combat royaliste. Mais là encore, que ce récit soit montré dans tel ou tel but, quelle importance ? Si tout ce qui est raconté est factuel (et il l’est), alors c’est la vérité qui est montrée, et non une quelconque opinion. Et, à nouveau, si ce qui est raconté n’est pas vrai, qu’on nous le prouve !

Alors, que vaut Vaincre ou mourir, finalement ? En tant qu’objet cinématographique, peut-être pas grand-chose. Du moins a-t-il le mérite d’être suffisamment modeste, et de ne pas chercher à en faire plus que ce qu’il est réellement en mesure de faire. Ses adversaires lui font un procès d’intention comme seuls eux en ont le secret, en supposant que les réalisateurs veulent faire à chaque scène du Ridley Scott. Il est toutefois permis de penser que n’étant probablement pas plus idiots que d’autres, les réalisateurs étaient au courant de la faiblesse de leurs moyens, et se sont donc mis au diapason de leur budget, ce qui expliquerait pourquoi on n’a pas plus de scènes de batailles ou autres scènes vraiment épique. Là n’est pas le cœur du film.

Le cœur du film est dans sa valeur historique. En l’absence de contradicteur sérieux et en tant qu’historien de formation, je continue à affirmer fermement que Vaincre ou mourir est réellement un film historique à part entière. Tout ce qui y est montré est vérifiable, et le film échappe à la pure hagiographie en n’oubliant pas de montrer les défauts de Charette, montré aussi bien comme héroïque que comme ombrageux et n’en faisant qu’à sa tête, plus attaché à son honneur qu’à sa cause (ce qui lui jouera des tours). De même que le chef républicain qu’il combat est montré comme quelqu’un de valeur, capable de respecter son adversaire (lui). Bref, la vision des choses est infiniment plus nuancée que ce que les adversaires des producteurs ne veulent nous le faire croire…

Quoiqu'il en soit, il est donc intéressant de noter que Vaincre ou mourir ne porte en lui aucune polémique. La polémique qui l’entoure n’existe que par et pour ceux qui attaquent le film non pour ce qu’il est mais pour ce qu’il représente à leurs yeux. La haine envers ce film ne s’explique que par la haine que certaines personnes de gauche nourrisse envers Philippe et Nicolas de Villiers ou Vincent Bolloré. En s’attaquant aussi violemment et aussi bêtement à Vaincre ou mourir, ils n’espèrent que s’attaquer une fois de plus à ce qu’ils dénoncent comme étant « l’extrême-droite » ou les « fachos ».

A ce titre, je ne peux que terminer en citant des extraits du plus beau manifeste qui ait jamais été écrit sur l’Art, ma bible sur le sujet, la préface du Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde :

« La forme de critique la plus haute, comme aussi la plus basse, est une espèce d'autobiographie. (…) Tout art est à la fois surface et symbole. Ceux qui plongent sous la surface, le font à leurs risques et périls. Ceux qui sondent le symbole, le font à leurs risques et périls. En réalité, c'est le spectateur, et non la vie que l'art reflète. La diversité d'opinion sur une oeuvre d'art indique que l'oeuvre est neuve, complexe, et vivante. Où les critiques ne s'entendent pas, l'artiste est d'accord avec lui-même. On peut pardonner à un homme de faire oeuvre utile, tant qu'il s'abstient de l'admirer. Pour faire oeuvre inutile, il n'est d'autre excuse que de l'admirer infiniment. Tout art est complètement inutile. »
Tonto
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le 29 janv. 2023

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