Ce film est un docu-film retravaillé et l’on retrouve ainsi des bouts mal assemblés. La scène introductive nous laisse penser à un travail sérieux d’histoire mais la suite est une déception car elle ne documente absolument rien. Les plans trop rapprochés ne nous documentent en rien sur l’atmosphère et l’ambiance de l’époque et les quelques plans larges nous affichent simplement la misère du budget. La plupart des plans sont en fait uniquement destinés à mettre Charette en valeur, comme dans une fresque héroïque de piètre qualité . Ce n’est ni un film sur la révolution française, ni un film sur le génocide vendéen, ni un film sur l’aristocratie et la monarchie : c’est un film sur le superhéros Charette.
La droite qui soutient lourdement ce film se pique d’être du côté du réel mais qu’à de réel ce film ? Est-ce la profondeur et la subtilité du personnage de Charette dont la seule motivation semble être l’honneur et non la sauvegarde de ses privilèges que la révolution menace ? Il aurait été intéressant d’étudier cela : qu'avait à perdre ou à gagner l’aristocratie à rejoindre tel ou tel camp, mais non, à cela le film lui préférera une vague psychologisation du problème. Les scènes qui veulent représenter son intériorité sont d’ailleurs d’une laideur infâme et l’on est légitime de se demander si les réalisateurs du film s’y connaissent un tant soit peu en histoire du cinéma pour proposer une bouillie si peu créative. Est-ce dans la capture de la vie sociale, économique, religieuse, politique d’une époque que l’on voit moins encore que les rôles secondaires ? Certes tout cela participe de la déconstruction du mythe républicain mais est-il nécessaire de rappeler aux défenseurs du film que la déconstruction ne fait pas tout ?
Nous avons donc là tout simplement à faire qu’à une fable épique. Le choix est tout à fait défendable mais encore faut-il que le récit soit bien mené. Est-ce le cas par l’absence totale de doute, d’interrogation, de remise en question de Charette ? Comment un personnage peut-il manquer à ce point de profondeur ? Un être humain du monde réel passe par différents états émotionnels dans sa journée, dans sa semaine, dans son mois, dans sa vie mais un des super pouvoirs du super héros Charette est de ne pas connaître cela : l’honneur est son seul affect. Passé les premières minutes où il n’est qu’un cynique décadent (et c’est l’honneur qui le fera sortir de cet état), il ne connaîtra aucun affect que l’honneur (et l’honneur trahi). Est-ce alors dans ses harangues récitées d’une voix grave caricaturale que la fable s’étoffe ? Théoden et tant d’autres ont fait bien mieux dans le registre. Sont-ce les personnages secondaires auxquels on ne peut s’attacher faute de temps à l’écran ? Non, il faut toutes les caméras pour le super héros Charette, à quoi bon s’attacher à des personnages qui ne sont pas des super héros ? Est-ce par le manichéisme du récit ? En dehors du général républicain, à qui il est possible de se laisser toucher par une dose (légère) d’honneur, le combat oppose les gentilles victimes vendéennes qui ne demandent qu’à vivre comme bon leur semble (mais Charette et les hommes qui combattent pour lui ont-ils réellement les mêmes intérêts ? Si les paysans veulent pouvoir continuer à être exploité sur les terres de leurs propriétaires et non mourir sur des fronts étrangers, Charette a quant à lui bien plus intérêt à la conservation de cet ordre social pour continuer à mener sa vie d’aristocrate fin de race) et face à eux (mais sur quoi repose ce “nous” communautaire ? Le film ne montre rien d’autre que la grandeur de Charette) les méchants et cruels révolutionnaires. Ce film ne convaincra que les convaincus (et les sensibles aux sangs et à l’horreur).
Ce film signe-t-il donc le retour du beau au cinéma ? Est-ce tout ce que la culture française peut nous offrir de beau ? C’est cela l’art de droite ? Des films de super-héros à l’américaine ? Le cinéma de droite nous a déjà proposé bien mieux et nous sommes là uniquement devant un film pour ado prépubère en mal de virilité. Tout ce qu’on devine en intention au film a déjà été fait en mieux : la critique de la morale humaniste dans la trilogie de Lars von Trier USA-Land of Opportunities, la représentation du peuple, des classes populaires dans la filmographie de Bruno Dumont, les batailles épiques dans Le Seigneur des Anneaux. Et je ne cite là volontairement que des œuvres de droite. Qu’apporte donc ce film ? Il nous renseigne sur l’état de la droite. Après l’échec de Zemmour, elle se cherche encore un héros. Tandis que la gauche attend son grand soir, la droite attend son homme providentiel. C’est la posture rêvée pour le pouvoir en place - l’attente ne le menace en rien - et est-ce étonnant quand on regarde les financements du film : Bolloré, CNC et Canal+ ? Non.