Il m'en a fallu peu pour traîner ma dépouille de royaliste dans les salles obscures.
Que dites vous ?
Un film sur des charrettes ? Sur la sombre réalité du génocide de nos corsaires vendéens ( 6 millions monsieur ! ) ? Une quenelle à cette république pleine de dédain ? Mais que le bon dieu me patafiole ! Le jeunot en moi bondit de son trône, sert la main de mon collègue wisigoth et dévale sur mon fidèle destrier et à la vitesse de Dieu j'arrive au Louxor le plus proche !
J'ai du mal à ranger mon équidé, la selle frotte sur une peugeot 205, ancien modèle, mais c'est pas quelque ratures sur cette charrette du diable qui va m'empêcher de voir le film du siècle !
Je saute, claque des bottes, et me cache dans ma cape ! Ce Louxor est en territoire perdue donc je fuis tout les regards, seul mes yeux transpercent le bandeau noir de la résistance serré sur mon front, il s'humecte de ma sueur mais je continu à avancer, j'avance avec panache et me déplace en flamenco. Puis après, mes chers amis, une fois avoir atteint le kiosque je retire la rapière de mon fourreau et vocifère avec panache un "Vive le Roi !!", le hurlement brûle mes nobles poumons de royaliste ( je m'adonne allègrement à la dégustation de tabac à mes heures perdues ) puis bondit en arrière, enfonçant la porte giratoire avec mon derrière.
Je retire mon chapeau, range ma plume et cire ma moustache. Je m'assois à côté d'une charmante jeune demoiselle mais horripilé, il me parvient au yeux la pigmentation de la cunégonde, trop sombre à mon goût, étourdie je balbutie, fait preuve de pardon et me détourne de l'orientale. Je suis ne suis pas un peintre du XIXe pardi !
Je prend place, m'installe comme un roi ( ma foi, un siège fort confortable pour la fonction de soutenir l'arrière train d'un simple gueux quidam ), pose ma lame et commence à allumer ma pipe fourré au tabac Viennois. La séance démarre et la magie du cinéma ( ou bien sorcellerie pour les plus fidèles d'entre les hommes ), envoûte mon être. Un homme de lumière tel que moi ne peut être qu'époustouflé par une telle démonstration, cette machine qui produit la beauté miraculeuse d'un bréviaire mais la profondeur et ton d'un ouvrage de Rabelais, je suis éberlué...
Une fois le miracle terminé, je retourne lentement sur mon étalon, la semelle de mes bottes frotte le pavé froid puis se tord sur l'anneau de l'étrier, d'un bond mou je m'effondre sur le siège, le torse douloureusement appuyé contre le pommeau. Je redresse mon corps, acéphale, séparé de toute coordination, l'effort est conséquent. Mon cheval comprend ma gestuel et démarre en trot titubant à son tour comme un chien ayant trop bu. La droiture manque mais le panache fane et s'irradie de cette scène tel un doux parfum de victoire, comme Donquichotte après avoir chargé ces "géants". Bercé par le bruit que fait la lune couchante aux horizons des toits de zinc je songe à la technologie, le cinéma, l'art de la lumière, "quelle merveilleuse chose" !
Signé le mousquetaire de Barbés