Une paire de journées cloué au lit m'a poussé à faire ce que je sais faire de mieux en ces circonstances: regarder des bousasses indicibles.
Or, le passage à tabac critique collectif subi par cette "super-production" (on y reviendra) du Puy du Fou sur l'épopée vendéenne du général Charette, ne pouvait que titiller moi, mes déviances esthétiques et mes sinus congestionnés par un énième rhume hivernal (oui, là où j'habite c'est déjà l'hiver).
En plus, dans un monde où Retailleau est devenu ministre de l'Intérieur, où Cyril Hanouna est devenu ze relais de l'extrême-droite après avoir réuni à sa Cour tout un harem de candaules bonnes poires issus de tous partis politiques, où Marine Le Pen met tranquillement des coups de pression au gouvernement (auquel ce dernier répond tkt chef je veux pas de problème tiens vas-y prend ma montre aussi si tu veux), ce truc s'inscrit plus généralement dans une contre-offensive culturelle conservatrice qu'il est bon d'étudier pour prendre le pouls de l'époque.
Objet d'une guerre civile idéologique l'an passé, vanté aveuglément par des chaînes de propagande et autres marchands de tapis dénués de toute forme de goût (les mêmes qui trouvent leur déco intérieure chez Esthète je suppose), comme une œuvre épique sur un épisode passé sous silence de l'histoire française, Vaincre ou Mourir est en fait aussi insignifiant qu'un pet de chouette. Cet embarrassant navire-amiral de Canal Bolloré s'avère finalement être au cinéma de droite ce que Doutes: Chronique du sentiment politique fut au cinéma de gauche.
Y a même pas lieu de s'insurger contre le propos du film (contre-révolutionnaire voire franchement anti-républicain, poujadiste, réactionnaire, bref, choose your fighter). Ce film n'est pas dangereux, quoiqu'en disent Ecran Large et Libé (si tant est qu'il existe des oeuvres dangereuses). Il ne peut que prêcher des convertis. On ne voit pas trop qui il peut duper avec son écriture pachydermique et ses gros sabots de paysan, à part les troupeaux de gnous qui ont leur abonnement annuel au Puy du Fou.
Ce qui me frappe d'abord, c'est que le dogme de l'austérité budgétaire vantée par les thuriféraires de droite s'applique à l'évidence à leurs oeuvres. Le film a beau être estampillé Studio Canal (donc Bolloré) et productions Puy Du Fou (saviez-vous que le Puy du Fou est le parc préféré des français ainsi qu'élu meilleur parc d'attraction au monde???), le budget est ridiculement pingre. 5 petits millions d'euros pour ce qui est censé être un film de guerre d'époque avec forces batailles et scènes de massacre. Un tiers des moyens de l'adaptation en film de Kaamelott, qui est une catastrophe. J'ai vérifié, par comparaison Bienvenue chez les Ch'tis a coûté 12 millions. Autant dire que niveau équilibre de la Force on penche plus du côté Vercingétorix le druide-roi que d'un film épique de Sergueï Bondartchouk. Hugo Becker s'égosille comme il peut devant sa grande armée de… allez, à tout casser, 25 paysans. Les massacres censés être le cœur du propos du film, sont expédiés en une paire de plans. Les rares et courtes batailles nous renvoient 45 ans en arrière puisqu'elles se résument à 2 hordes qui se jettent dessus dans une mêlée générale sans queue ni tête (y a-t-il un consultant historique dans l'avion?). Quant aux noyades de Nantes, on se croirait dans C'est arrivé près de chez vous.
Evidemment ça serait beaucoup moins drôle si ce bidon de lessive n'était pas d'un manichéisme enfantin digne d'une bouse reaganienne de Chuck Norris. Sauf que y a même pas les répliques golmon typiques du genre. J'aurais pourtant adoré que Charette Norris lâche un one-liner définitif du style "si tu t'pointes encore avec ta colonne infernale tu vas repartir avec la bite dans un reliquaire". Charrette est forcément magnanime lui, il épargne les prisonniers, il est aimé par un peuple éternel tout droit sorti d'une pub La Laitière, tandis que les républicains sont fourbes, caporalistes, parisianistes, et fourbissent leurs plans criminels dans la pénombre d'une quasi-tanière. Je veux bien qu'on fasse de l'idéologie, mais aussi peu finement?
Et dieu que c'est mal joué, on se croirait dans un épisode de Plus Belle la Vendée, saison 94. Rien n'est vraisemblable, tout sonne faux. Oh je ne leur jette pas la pierre: rarement j'ai vu dialogues plus sur-écrits et personnages réduits à un tel défilé de santons et de soldats de plomb; et puis connaissant la maison je suppose qu'ils ont été payés au lance-pierre. Mais à la rigueur on s'en fout, puisque l'image ne fait que paraphraser ce que raconte une voix-off omniprésente. Cela en fait le film parfait de 18h30 pour éplucher ses carottes en regardant d'un oeil distrait, d'autant que le scénario est d'un didactisme à s'en arracher les dents (bon bah là on les as battu, là on s'est fait défoncer, là on a signé une trève et puis etc etc...). Une lumière poussiéreuse donnant la sensation que tout est filmé à contre-jour, et une musique lénifiante omniprésente, achèvent de nous assommer dans notre torpeur.
Le prologue convoquant plusieurs interviews d'historiens (Reynald Secher évidemment, le seul à défendre aujourd'hui la thèse du génocide), laisse à penser que le film était probablement pensé à la base comme un docu-fiction. Par orgueil, par bêtise, ou que sait-je, le Puy du Fou s'est emballé et à voulu en tirer un film à part entière. Bah ouais mais c'est pas toi qui décide.
Bon, j'me moque du budget, mais au final, après avoir investi 5 petits millions de dollars dans ce projet, le film en a rapporté… la moitié. Dites vous que Anatomie d'une chute en a rapporté 50 en ayant été tourné dans un chalet tout pété et en ayant été gaslighté par l'intégralité du gouvernement, prenez-en de la graine les Mozart de la finance.
Bref, si vous voulez voir un bon film de droite, regardez plutôt Napoléon et je ne parle évidemment pas de celui de Ridley Scott.
Au final j'me pose une question: est-ce que le Puy a payé les figurants ce coup-ci?