Cette analyse contient des spoils.
Tout le long du film, nous suivons les aventures de Valérie, une jeune fille qui vient tout juste d'avoir 13 ans. Au travers de l'écran se mêlent fantasme et réalité, ce qui rend le film surréaliste, puisque les scènes s'enchaînent de manière non linéaire ; les niveaux de lecture se multiplient, et c'est ce qui le rend particulièrement intéressant. Grâce à la poésie métaphorique des images, on s'aperçoit que Valérie passe par diverses épreuves qui constituent la vie de beaucoup de jeunes femmes, comme les règles, mais aussi le regard des adultes qui change sur le corps... Ainsi, les figures monstrueuses s'enchaînent, et les couples à la recherche de la jeunesse éternelle sont ici au centre de l'horreur.
Valérie imagine et vit des situations où elle est sauvée grâce à des boucles d'oreilles/perles de rêve/empoisonnées qui lui permettraient d'échapper à des situations que beaucoup de femmes pourraient vivre, comme les agressions sexuelles, l'inceste, la pédophilie ou le harcèlement. On peut d'ailleurs remarquer facilement que le film est scindé en deux : Il y a les situations de "mort" où Valérie se suicide, rêve afin d'échapper à ses traumatismes, et les situations de vie où elle découvre, apprends et se détache de son innocence malgré elle, où la pureté de sa foi est entachée. Dans ces dernières situations, il y a beaucoup de symbolisme : les femmes de pauvre vertu traînent dehors, dans la nature, la rivière, rient fort et ont une sexualité décomplexée, s'embrassent et s'amusent à se mettre des poissons dans les vêtements ; un signe fort qui symbolise le répugnant, le péché, tout ce que l'église interdit, par opposition aux jeunes filles soumises au pouvoir de l'église qui se doivent de rester loin de cet univers scabreux.
Hormis le symbolisme et les divers rappels évocateurs cachés tout au long du film, on peut remarquer également que les seuls moments où Valérie semble émancipée et heureuse sont ceux où elle est entourée de femmes, où elle ressent leur soutien, voir même où il y a du saphisme. Cette émancipation, d'ailleurs inacceptable, lui vaudra d'être considérée comme la tête à abattre, l'ennemie ultime ; encore une fois, elle représente tout ce qui n'est pas accepté par les bonnes moeurs religieuses. Après que le symbole de ce qu'est Valérie est détruit, une petite fille malicieuse, qu'on pourrait interpréter comme la version antérieure de Valérie, dépose une branche de romarin sur le bûcher, signe de son admiration pour elle.
Dans les scènes suivantes, on pourrait imaginer que Valérie a rejoint le monde des morts où tous les pêcheurs se retrouvent ; on y voit les filles de la rivière et toute cette ribambelle de personnages particuliers. Le film se terminera avec un geste de la petite fille envers Valérie, qui lui tendra une branche de romarin à nouveau, puis qui lui empêchera de le prendre. Un signe qu'elle peut enfin profiter de ce monde presque parfait dans lequel elle est projetée pour la dernière fois avant de retourner à une réalité dure et pleine de solitude.
Ces scènes, mises bout à bout, créent une sensation de confusion entre rêve et réalité, et c'est justement ce qui crée un sentiment percutant à la fin de son visionnage.
Je pense qu'une piste de réflexion pour comprendre ce film, qui peut paraître décousu aux premiers abords, c'est d'intégrer le fait que Valérie est jeune. On pourrait parfaitement critiquer le fait que le film parte dans tous les sens, mais c'est justement ce qui permet d'aborder une si grande variété de sujets. N'oublions pas que si ces thématiques semblent survolées et articulées entre elles de manière étrange, c'est parce qu'elles sont vues au travers du prisme de Valérie, qui n'a que 13 ans, et qui a un regard candide et changeant sur tout ce qui se passe autour d'elle. Et c'est justement cette prise de vue onirique, utilisée à bon escient, qui permet de capturer toute cette poésie, cette esthétique et ce sens du drame - celui de la douleur de grandir lorsque l'on est perçu comme une fille - le tout sans basculer dans le cru ou le choquant. Enfin, il y a certes beaucoup de male gaze, ce qui s'explique par l'époque du film.
Une pépite surréaliste !