« Valley of love » est vraisemblablement le film le plus introverti que j’ai vu depuis des années, d’où se dégagent des sentiments, masqués, d’amertume et de jubilation mélangés. Par sa double lecture entre fiction et réalité, notre perception est mise à mal, et bouleverse les codes cinématographiques classiques. D’abord il y a ce drame qui se joue à l’écran entre Isabelle et Gérard, acteurs reconnus et séparés depuis quelques années, qui s’engagent, à la demande de leur fils défunt, dans une quête mystique. Celle de retrouver une dernière fois cet enfant sacrifié (et qui s’est suicidé) dans la Vallée de la mort. Des retrouvailles jusqu’à ce morbide périple nous allons les suivre, où plutôt les observer. De rancœurs en frustrations, on passe peu à peu à la phase d’absolutions, puis à la sérénité qui tient plus de la résignation qu’autre chose. D’un autre côté, il y a ce qui se joue derrière la caméra, Isabelle et Gérard, deux des meilleurs acteurs français, qui se retrouvent enfin réunis après 35 ans (« Loulou »). Et si l’on ne peut établir de lien scénaristiques entre le couple de Pialat et celui de Nicloux, par leur incroyable complicité, la symbiose est la même. Et la fiction de se mêler à la réalité à un point tel que notre esprit s’égare. Le père lisant cette virulente lettre d’un fils accusateur mais aimant, d’une Huppert qui réplique légèrement railleuse « si tu es bien comme ça » à un Depardieu qui se plaint d’avoir grossi… C’est ce double jeu intentionnel qui donne à ce drame toute sa vigueur et surtout ce surprenant rapport de force. D’un Gérard à la démarche du commandeur (le poids des ans et des remords) à une Isabelle fragilisée (le sourire est éteint), on ne peut que vibrer au tempo de leurs émotions, entre trouble et compassion. Et cette apparente simplicité des faits qui se trament sous nos yeux, se révèle au contraire être une gageure au niveau de la mise en scène, très complexe et recherchée en ombres et surexposition, silences et bouillonnement sonore. Ces dichotomies techniques participent allègrement au malaise permanent et l’état nauséeux qui sourdent tout au long du film. « Valley of love » n’est cependant pas un film pessimiste, bien au contraire. Isabelle et Gérard, un temps retrouvés, leur amour intact, poursuivront leurs routes. Il ne leur restera plus désormais qu’à « se souvenir d’oublier ».

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le 23 juin 2015

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Fritz Langueur

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