Traînant sa valise d'un pas vif et décidé, robe à fleurs et cheveux flottant librement dans le dos, la silhouette frêle d'une femme à l'âge indéterminé, avance résolument vers la chambre du motel : parc national de la Vallée de la Mort en Californie.


Isabelle et Gérard, entre fiction et réalité, se retrouvent, couple plus que jamais improbable : elle, petite, menue, débit de parole saccadé et rapide, accrochée nerveusement à son téléphone, lui, énorme, soufflant et suant dans la chemise hawaïenne qu'il arbore, souffre et se plaint, accablé de chaleur sous le soleil de plomb.
Autour d'un verre, leurs yeux se rencontrent : ils s'observent, se toisent, se jugent, ils sont séparés depuis si longtemps...



-Tu as l'air en forme.
-J'ai grossi.
-Oh, si tu te sens bien comme ça !
-Comment veux-tu que je me sente bien comme ça ?



Parler de choses et d'autres, elle, sourire faussement détaché, lui, regard un peu perdu, avant d'aborder l'essentiel, la raison de leur venue dans ce lieu inhospitalier, cette immensité monumentale et minérale qu'il va leur falloir arpenter chaque jour : un rendez-vous avec l'amour et la mort dont leur fils, disparu depuis six mois, a lui-même fixé les règles.


Une semaine où les deux étrangers qu'ils sont devenus l'un pour l'autre, mais le sont-ils tout à fait (?), vont devoir se supporter, s'affronter, pour mieux s'écouter peut-être, dans un long cheminement vers le passé, voyage intérieur fait de souvenirs, de reproches, et de confessions.


Il semble bien qu'au-delà de l'histoire, assez peu crédible en fait, où une rencontre surnaturelle doit avoir lieu, le réalisateur ait voulu faire jaillir la vérité des êtres, celle qui va naître de la confrontation de ce couple séparé, tous deux orphelins de l'enfant qui les unissait, mais avec lequel, de son vivant, ni l'un ni l'autre n'avait réussi à communiquer, et à qui ce fils semble donner une ultime chance, aussi infime soit-elle, de dire l'amour et non l'échec.


Rongés par la culpabilité de n'avoir su l'aimer, chacun réagit à sa manière : elle veut y croire, et lui insuffle l'énergie qui l'anime, lui, d'abord rationnel, se prend à espérer, fragile, voire enfantin sous la monstrueuse carcasse, et saura t-on jamais si l'ogre égaré, en plein désarroi, a croisé l'enfant dans cet environnement brûlant au coeur de la roche...


Un film, qui tient du mirage, à moins que ce ne soit du vertige, et qui semble nous dire que de toute façon,



bien plus que la mort, la vie nous échappe



ce qu'illustre de façon bouleversante la scène où Depardieu, pudique, mais la voix légèrement brisée, lit la lettre testament du fils disparu, réminiscence douloureuse où la fiction rejoint la réalité, l'ombre de Guillaume planant sur cette histoire, pour évoquer l'échec d'une relation filiale et l'espoir insensé de pouvoir, enfin, "réparer".


Exercice d'introspection avant tout, le film ne vaut, bien sûr, que par ses comédiens, une façon aussi, pour Nicloux, de nous faire regarder derrière le miroir, et surtout, un bel hommage à deux très grands acteurs.

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le 25 juin 2015

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Aurea

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