Dans l’éventail infini des films de vampires, ce premier long métrage québécois explore les ressorts du teenage movie : une version soft et tendre de Morse, en somme, où la jeune fille doit suivre une voie qui l’effraie, tandis que sa famille désespérée finit par lui couper les vivres, à savoir les poches de sang lui évitant d’aller chasser par elle-même.
La comédie est efficace dans le portrait d’une famille on ne peut plus banale, accomplissant sans panache ses méfaits, le plus souvent sur des victimes à ce point demeurées que leur effacement relève presque de la sélection naturelle. Sasha, qui rechigne à tuer, devient donc l’adolescente gothique au sein d’un groupe qui en a pourtant toutes les prérogatives, sorte de Mercredi Addams de 68 ans dans un corps de 16, et qui se dirige donc du côté des suicidaires pour un compromis pouvant adoucir les meurtres auxquels sa condition la contraint.
Une voie qui la conduira vers Paul, adolescent harcelé, sorte de version mélanco de Tom Holland – c’est-à-dire avec la capacité à exprimer des sentiments.
La relation qui se noue entre eux tresse ainsi la plus convenue des histoires d’amour adolescentes à un enjeu morbide, à l’image de cette première tentative de morsure qui reprend tous les codes d’une initiation sexuelle, entre la timidité, la peur et la bonne posture à adopter face à l’autre.
À l’humour à froid - surtout du côté de sa famille et des conquêtes alimentaires de sa cousine, dont l’une est transformée bien malgré elle en vampire stupide et sidekick pour l’éternité – s’ajoute donc une immense tendresse de la cinéaste pour son binôme mal fagoté, malheureux et en quête de sens. La classieuse mise en scène joue d’une nuit imposée aux vampires pour en faire l’écrin de petites bulles intimes (les chambres) où les visages s’éclairent progressivement, comme durant cette séquence où Sasha fait écouter à Paul son vinyle préféré. Si la suite poursuit le filon du teenmovie (vengeance contre les harceleurs, affranchissement du milieu familial), la complicité avec les protagonistes fonctionne à plein régime, et trouve pour son dénouement une voie de traverse certes assez facile, mais qui correspond bien au pendant de la noirceur dans laquelle peuvent s’abîmer les adolescents : un idéalisme bienfaisant.