Vampyres n’est pas à proprement parler un documentaire, mais serait plutôt ce qui s’apparenterait à une immersion en surface d’un nouveau mouvement underground. En effet, et c’est là son plus gros défaut, il reste contemplatif, fournit peu d’explications, est un peu foutraque, traitant de beaucoup trop de branches du vampyrisme et sur une durée trop courte (80 minutes) pour que l’on puisse vraiment en saisir l’intérêt. D’un autre côté cela en fait aussi son point fort, suscitant la curiosité du spectateur qui aura vite fait une fois la bobine terminée d’aller se renseigner sur le net afin de compléter ce qu’il aura appris devant, en plus d’analyser lui-même ce qu’il verra, la narration restant totalement neutre.
Sujet unique et peu médiatisé, on ne s’étonne pas que ce soit Lukas Zpira, qui n’est plus à présenter, qui soit à la source du projet, sa passion pour les modifications corporelles n’ayant pas ou peu de limites.
La première partie du documentaire est sans doute la plus authentique et la plus intéressante. Les banlieues américaines, ici le Queens, ont un métissage qui n’a pas de comparaison. Difficile d’affirmer qui est un metalleux et qui est branché Hip-Hop. Blancs et noirs arborent dreadlocks, piercings, tatouages, cuirs et baggies, alors qu’en France ces codes vestimentaires servent à se démarquer et montrer son appartenance. On comprend donc que pour ces êtres diurnes il faille passer à quelque chose d’autre pour affirmer qu’ils sont en marge, d’où le port de prothèses dentaires afin de leur donner le look vampyre. On y trouve une aspiration sociale et politique, et l’on regrette que leur branche n’ait pas été plus approfondie, car ce qui vient par la suite fait très vite dégringoler tout le documentaire qui se transforme en farce sur le pathétisme.
On y voit une succession de types totalement décérébrés se prenant pour de gros notables, alors qu’ils n’ont d’égal que leur égo, dont un qui affirme carrément que les vampyres sont une évolution de l’Homme — des « mutants » comme il dit — et non pas une espèce à part. Par moment on a quelques interventions intéressantes, dont le témoignage d’une jeune femme qui parle de l’égalité des sexes (l’un des réels points forts du vampyrisme, en plus d’égalité ethnique), et puis un type amusant qui vante la possession de crocs comme un atout sexuel de taille, les relations charnelles y gagnant lorsqu’un peu de douleur s’y ajoute (ayant des canines pointues, je ne pourrais qu’aller dans son sens…). Pour le reste la rigolade prend le spectateur au corps, surtout lorsque la caméra se retrouve en Europe. Les rituels ont l’air improvisé par des adolescents qui ont abusé de Donjons et Dragons, tous plus ridicules les uns que les autres avec leurs masques semblant sortis d’une boutique de farces et attrapes chinoise d’Ivry sur Seine. Les membres se trahissent eux-mêmes en se décrédibilisant « on crie une dernière fois le nom de l’esprit et après on va au bar ». En les voyant on ne peut s’empêcher de penser au passage de l’adaptation cinématographique de Spawn, où une bande de gamins tentent d’invoquer la Bête, avant de se pisser dessus en voyant le héros démoniaque; et je passe ce que Pinehead pourrait en dire…
Il faudra finalement attendre les dix dernières minutes pour voir des vampyres couillus faire une orgie en suspension et venir effacer la débauche de bêtise de leurs prédécesseurs, rappelant que le jeu de rôle sexuel c’est un peu plus que bander les yeux d’une femme en string et rigoler autour comme des débiles.
Vampyres est comme il l’était dit en introduction une immersion, ou plutôt une mise en bouche, et son objectivité ne pourra que vous séduire, l’objectivité étant l’outil essentiel de la pédagogie. Intéressé ou non par cette culture, vous vous laisserez happer jusqu’à la fin, et serez seul juge du bien-fondé de ce que vous aurez vu.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.